Par Adlène Meddi

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien sortant et réélu, lors de sa prise de parole samedi soir, à la veille du scrutin.  - Credit:PPAgency/Sipa
Abdelmadjid Tebboune, le président algérien sortant et réélu, lors de sa prise de parole samedi soir, à la veille du scrutin. – Credit:PPAgency/Sipa

Devant un écran, le directeur de campagne du candidat Youcef Aouchiche, du parti du Front des forces socialistes (FFS), montre à la presse une infographie avec des chiffres parlants. « À Alger, le procès-verbal de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), nous donne 18 873 votants. Mais, dans les résultats que son président a présentés [dimanche, au soir du scrutin présidentiel], nous n’avons que 4 046 ! »

Lors d’une conférence de presse, ce lundi 9 septembre, au siège du parti sur les hauteurs d’Alger, le candidat Youcef Aouchiche a estimé que « ces fraudes mettent le pays en danger » et a demandé l’ouverture d’une enquête. « Nous savions que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour une élection libre et honnête, mais on ne s’attendait pas à atteindre ce degré », a-t-il déclaré.

À LIRE AUSSI Présidentielle en Algérie : imbroglio autour du taux de participationLe FFS estime qu’il a récolté un peu plus de 300 000 voix alors que le résultat annoncé dimanche par l’Anie est de 122 146 voix. Dans la matinée, c’était au tour du second candidat de l’opposition, Abdelali Hassani Cherif, le représentant du Mouvement pour la société de la paix (MSP, islamiste) de fustiger l’Anie, l’accusant de « fraude » et de « tricherie ».

Les deux candidats déposeront mardi leurs recours au niveau de la Cour constitutionnelle. Le MSP revendique environ 500 000 voix d’après le décompte des procès-verbaux de dépouillement, alors que selon les chiffres « officiels [

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien sortant et réélu, lors de sa prise de parole samedi soir, à la veille du scrutin. © PPAgency/Sipa

Devant un écran, le directeur de campagne du candidat Youcef Aouchiche, du parti du Front des forces socialistes (FFS), montre à la presse une infographie avec des chiffres parlants. « À Alger, le procès-verbal de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), nous donne 18 873 votants. Mais, dans les résultats que son président a présentés [dimanche, au soir du scrutin présidentiel], nous n’avons que 4 04

Tous Lors d’une conférence de presse, ce lundi 9 septembre, au siège du parti sur les hauteurs d’Alger, le candidat Youcef Aouchiche a estimé que « ces fraudes mettent le pays en danger » et a demandé l’ouverture d’une enquête. « Nous savions que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour une élection libre et honnête, mais on ne s’attendait pas à atteindre ce degré », a-t-il déclaré.

À LIRE AUSSI Présidentielle en Algérie : imbroglio autour du taux de participationLe FFS estime qu’il a récolté un peu plus de 300 000 voix alors que le résultat annoncé dimanche par l’Anie est de 122 146 voix. Dans la matinée, c’était au tour du second candidat de l’opposition, Abdelali Hassani Cherif, le représentant du Mouvement pour la société de la paix (MSP, islamiste) de fustiger l’Anie, l’accusant de « fraude » et de « tricherie ».

Les deux candidats déposeront mardi leurs recours au niveau de la Cour constitutionnelle. Le MSP revendique environ 500 000 voix d’après le décompte des procès-verbaux de dépouillement, alors que selon les chiffres « officiels » de l’Anie, il ne dépasse pas les 178 797 voix. Ces deux conférences de presse interviennent au lendemain d’un événement inédit. Car, fait nouveau, même Abdelmadjid Tebboune, le président sortant, s’est aligné sur les dénonciations de ses deux opposants.

Un communiqué inédit

Réunies au siège du FFS dans la nuit de dimanche à lundi, les directions de campagne des trois candidats, Abdelmadjid Tebboune, Youcef Aouchiche et Abdelali Hassani Cherif, ont cosigné peu avant minuit un communiqué attaquant lourdement l’Anie : « Nous soussignées, directions de campagne des trois candidats […], informons l’opinion publique nationale que des imprécisions, des contradictions, des ambiguïtés et des incohérences ont été relevées dans les chiffres lors de l’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle par le président de l’Autorité nationale indépendante des élections. »

Le texte cite, en particulier, « des imprécisions et des contradictions dans les chiffres des taux de participation annoncés et des contradictions entre les chiffres annoncés par le président de l’Autorité et les procès-verbaux de dépouillement et de concentration des voix remis par les commissions électorales communales et de wilaya ».

À LIRE AUSSI Algérie : le second quinquennat de « Tonton Tebboune »Les directions de campagne ont aussi relevé « l’ambiguïté du communiqué d’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle, qui ne comportait pas la plupart des données essentielles des communiqués d’annonce des résultats, comme il est d’usage dans toutes les échéances nationales importantes », faisant également état d’« une incohérence dans les taux annoncés pour chaque candidat ».

Si cette instance n’a pas tous les procès-verbaux, alors d’où a-t-elle sorti les résultats ?Abdelali Hassani Cherif, président du MSP

Le président de l’Anie, Mohamed Chorfi, avait, en annonçant les résultats du scrutin de dimanche à 17 heures, omis de donner les taux de participation, un élément clé de l’élection, se contentant de laisser l’opinion sur sa précédente annonce évoquant une « moyenne du taux de participation » de 48,03 %, un paramètre jamais employé en de telles circonstances, et qui fausse l’appréciation exacte de la participation, qui, selon les calculs, se situerait entre 20 et 23 %.

À 2 heures du matin, l’Anie a publié un communiqué laconique indiquant qu’elle continuait à recevoir les « originaux des procès-verbaux (PV) de dépouillement qu’elle transmettra dès leur réception à la Cour constitutionnelle » et qu’elle « tiendra au courant l’opinion publique des résultats de contenus dans ces procès-verbaux conformément au principe de la transparence et pour sauvegarder la crédibilité de l’opération électorale qui s’est déroulée dans les meilleures conditions ». « Donc l’Anie s’incrimine elle-même, a réagi le président du MSP Abdelali Hassani Cherif. Si cette instance n’a pas tous les PV, alors d’où a-t-elle sorti les résultats de [dimanche] ? »

Excès d’allégeance ou coup bas

Sur sa page Facebook, le président du Syndicat national des magistrats (SNM), Laidi Aoudeche, a résumé sa position : « Opacité, contradiction, ambiguïté, dysfonctionnement. Même si cela n’affecte pas la victoire finale méritée, cependant, cela nous rappelle les pratiques malheureuses d’avant 2019. »

« Le fait que le président lui-même conteste ces résultats et s’associe aux autres candidats pour décrédibiliser le scrutin est un fait inédit », souligne un journaliste politique. « Il se peut qu’il ne soit satisfait ni de son score, qui lui collera une mauvaise image, ni de la participation si faible et non assumée par l’Anie. Peut-être qu’il s’agit d’un excès de zèle, un excès d’allégeance, qui s’est retourné contre ceux qui ont planifié ces résultats », poursuit la même source. Le score de 94,65 % annoncé pour Abdelmadjid Tebboune est un record, le plus haut score de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika était de 90,24 % en 2009.

À LIRE AUSSI Présidentielle en Algérie : imbroglio autour du taux de participation« Ou peut-être que le président n’est pas satisfait de n’avoir réalisé qu’une légère avancée dans ses votes – ces derniers n’ont augmenté que de 357 740 par rapport à 2019 », conjecture le journaliste. « Quelle est la signification politique de cet événement ? Le président a rejeté un cadeau empoisonné qui lui a été offert, ce qui l’isole encore plus et réduit sa marge de manœuvre au sein du pouvoir », estime pour sa part Athmane Lahiani, également journaliste politique.

Le peuple est mûr et veut un véritable changement. La décision est désormais entre les mains du président et des cercles de décision.Smail Tellai

« Le candidat vainqueur a estimé qu’il était important de prouver l’innocence du pouvoir face à toute ingérence dans le processus électoral et de soupçon de gonfler le taux de participation », analyse, lui, l’éditorialiste Nadjib Belhimer.

Ce communiqué commun, à ses yeux, serait « une preuve supplémentaire que la coopération entre les trois est étroite et peut être une indication d’un projet convenu pour évoluer vers un gouvernement politique lors de la prochaine étape à laquelle les partis participeront, et cela pourrait avoir lieu après des élections législatives anticipées ».

« Vingt millions d’Algériens n’ont pas voté »

Un cadre de l’opposition nuance toutefois : « Le MSP et le FFS parlent de laboratoires, de “parties” dans le pouvoir qui ont mené une sorte de complot contre Tebboune et cette présidentielle, mais cela n’empêche pas d’analyser le vrai problème : le pouvoir n’a plus les outils politiques et électoraux pour “travailler” la société ; c’est lui qui encourage l’excès de zèle de ses administrations et de ses élus ; c’est lui qui a fait vider le bassin politique et veut y organiser une course de natation. »

« Vingt millions d’Algériens n’ont pas voté, conclut le journaliste Smail Tellai. Le message est arrivé. Le peuple est mûr et veut un véritable changement. La décision est désormais entre les mains du président et des cercles de décision. »

By Albert C. Diop

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