
Dans sa volonté de trouver les 1150 milliards de recettes fiscales dont le Plan de redressement économique et social a besoin, le gouvernement a déjà ciblé les secteurs qui devraient lui rapporter le plus. La question sera juste de savoir comment il va s’y prendre pour convaincre les moutons destinés à être tondus.Par M.G. –
Les recettes du Plan de redressement économique et social (Pres) présenté le vendredi premier août dernier, n’ont pas une grande originalité, si ce n’est de chercher à remplir les caisses aussi vite que possible. La plaquette «Jubbanti Koom», présentée à l’occasion par le Premier ministre, indique clairement que l’Etat attend, pour les trois prochaines années, en termes de recettes, environ 6 mille 206 milliards 458 millions 593 mille 723 francs Cfa. Les recettes fiscales, à elles seules, représentent 1155 milliards de Cfa. Et tout sera taxé : l’investissement, la consommation, ainsi que les revenus.
Mais on attend les prouesses de l’Etat dans sa capacité à lever des taxes et atteindre ces 1155 milliards sans aliéner définitivement du patrimoine ! C’est-à-dire convaincre des gens de lui remplir les poches sans qu’il ne leur cède ses bijoux les plus précieux. Ainsi, là où une gestion «en bon père de famille» aurait pu voir la mise en location de certains biens immeubles, le gouvernement semble privilégier ce qu’il appelle «la cession temporaire» ! Est-ce de la location ou de l’aliénation avec ou sans bail ? A moins que ce ne soit de la finance islamique, type Sukuk ? Car la question sera de savoir d’où viendront les promoteurs qui accepteraient de mettre de plein gré environ 348 milliards de francs pour des terrains sans la garantie d’une exploitation durable et sans en posséder des titres de propriété.
L’équation des anciennes bases françaises
La moitié de la surface des bases situées sur les anciens sites militaires dits de Dakarnave, de Bel Air ou de Rufisque devrait, assurent les spécialistes de l’Etat, leur rapporter ces montants. Mais, quel que soit le mécanisme choisi, serait-ce pour les trois années de la durée du Pres ou pour une période bien plus longue ? That is the question, diraient les Gambiens. On a vu ce que la «dation en paiement» du Président Abdoulaye Wade, sous la houlette de son architecte-conseil Atépa Goudiaby, a fini par faire des terres de l’aéroport Léopold Sédar Senghor dont on parle aujourd’hui. D’ailleurs, les effets de cette fameuse dation en paiement du Monument de la Renaissance africaine se font sentir aujourd’hui même autour du Phare des Mamelles, complètement caché par de nouvelles propriétés.
De même, concernant la Zone économique spéciale de Diass, une fois cédée, cela signifie-t-il que le gouvernement renoncerait ainsi à attirer des investisseurs par des incitations fiscales ? Cela serait logique dans cette période de «Adu Kalpé» tous azimuts. Cela rappellerait par ailleurs la désillusion de l’Apix sur la fameuse «Cité des Affaires» que les présidents Wade et Sall lui avaient promise sur une partie de l’ancien aéroport Senghor.
Le recyclage d’autoroutes aussi devrait peut-être conduire à une renégociation de la concession d’Eiffage, et même de celle de Ila Touba. Il restera à souhaiter que si les Français venaient à partir du fait de conditions peu ragoûtantes, que les remplaçants puissent veiller à maintenir la qualité de service qui a été offerte à ce jour, et qui les différencie de la partie de l’autoroute allant à l’intérieur du pays.
Hausse sur le prix des mobiles ?
La recherche effrénée des finances pousse nos fiscalistes à ne rien négliger. Les importateurs de téléphones mobiles, qui avaient tendance à ramener au pays des téléphones prêts à utiliser, se verront soumis à «un dispositif de blocage de l’accès au réseau des opérateurs, à tout téléphone n’ayant pas acquitté les droits exigibles». Les prix de téléphones intelligents vont-ils décoller ?
Si l’on ne peut encore mesurer les effets que les mesures décidées auront sur les biens et les agents économiques, on ne peut toutefois pas manquer de se féliciter que les taxes à l’exportation sur l’arachide et l’acajou, par exemple, pourraient aider à réduire l’exportation massive de ces produits dont les autorités nous disent qu’ils pourraient être transformés sur place, et aider à remettre en marche notre industrie et booster la consommation locale. Les 42 milliards auxquels l’Etat pourrait renoncer dans cette opération, pourraient être consacrés à la remise à niveau de notre industrie huilière, entre autres…
L’autre grande question est la taxation du Mobile money, surtout celle des transactions marchandes. Si l’on sait que ces systèmes de paiement électronique sont parmi les plus utilisés par les Sénégalais, on se demande quel effet ces mesures pourraient avoir sur les envois de fonds des Sénégalais de l’extérieur et leurs familles. Quand on assure que les envois des Sénégalais rapportent près de 2000 milliards de francs Cfa par an dans l’économie, près de 2% du Pib, une taxation de ces envois ne pourrait-elle pas jouer sur les ressources des ménages ?
Il est vrai que le gouvernement promet qu’une bonne partie des ressources ainsi récoltées sera retournée à la population, sous différentes formes dont «l’amélioration de l’accès au foncier, le développement des infrastructures, la facilitation de l’accès aux intrants…», parmi d’autres. Mais cela est-il différent de ce qu’il aurait dû faire sans la mise en place des décisions annoncées ? Il est vrai que l’année dernière, le gouvernement n’a pu consacrer aux investissements que 2, 5 milliards de Cfa, au moment où le train de vie de l’Etat n’a pas baissé.
D’ailleurs, quand on voit l’Etat mettre l’accent sur la volonté de relever l’âge des véhicules d’occasion à importer, on se demande pourquoi, dans un souci d’économie, l’Assemblée nationale ne donnerait pas l’exemple en renonçant à la commande de ses 160 véhicules neufs, pour acquérir des autos d’occasion pour les députés ?
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