by Lequotidien

Des centaines de milliers d’objets culturels africains, spoliés durant la période coloniale, garnissent les musées en France. Ces objets peinent toujours à retrouver la terre de leurs concepteurs. Il y a eu la restitution du sabre et de son fourreau qui ont eu appartenu à El Hadj Omar Tall, chef religieux et de guerre en Afrique de l’Ouest durant le XIXe siècle. Mais, il est détenu par le Musée de l’Armée à Paris. Il y a eu le retour au Bénin de 26 pièces du «Trésor de Béhanzin» pillées au Palais d’Abomey, capitale historique du royaume du Dahomey, en 1892. Si la France s’est engagée à poursuivre le processus, le rythme est toujours lent.

Ils se comptent par centaines de milliers, les objets et biens culturels soustraits d’Afrique par la France durant l’époque coloniale et meublant encore aujourd’hui des institutions muséales et collections privées dans ce pays. Au-delà de l’occupation des territoires et de l’accaparement de leurs ressources premières, le colonialisme français s’est dédoublé d’une vaste opération de spoliation des œuvres historiques et culturelles à la signification particulière chez les autochtones. «90 mille objets que nous avons comptés, au moins, pour l’Afrique subsaharienne, sont dans les musées français», a noté l’économiste sénégalais Felwine Sarr, co-auteur du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain (publié en 2018) commandité par l’Etat français. Felwine Sarr, qui s’était exprimé en marge de la remise symbolique de l’épée de El Hadj Oumar Foutiyou à l’Etat du Sénégal, a indiqué qu’autour de 80 à 85% du patrimoine culturel matériel africain se trouvent en Europe occidentale.

Objets spoliés par la force du canon et par la ruse
A la faveur de conquêtes militaires, les Français ont sapé toute volonté de résistance à leur œuvre d’accaparement. Au Sénégal par exemple, les résistants Lat Dior Diop, Alboury Ndiaye, Mamadou Lamine Dramé ou encore El Hadj Oumar Foutiyou Tall ont fait face et sont tombés face à l’Armée française. Samory Touré et Kissi Kaba Keïta en Guinée… Partout ailleurs où ils sont passés, il en était de même pour les autochtones, balayés par la force des armes. L’historien Mbaye Guèye, qui évoque une «expropriation éhontée par la force du fusil», n’a pas manqué de dénoncer la brutalité exercée par la puissance coloniale pour s’accaparer de biens culturels.

Il ajoute : «La colonisation n’était pas que militaire et économique, il fallait aussi déposséder les Africains de leur culture matérielle.» «Pour marquer sa victoire après des confrontations avec des armées de résistance sous-équipées, l’armée coloniale française s’est offert un butin de guerre, fruit de pillage et d’expropriation forcés d’éléments fonctionnels des cultures locales dont le sens dépassait le cadre esthétique», a-t-il indiqué, affirmant que bijoux, décorations de palais, statues et autres artefacts ont ainsi été envoyés en France.

«Lors de la victoire sur les troupes de Ahmadou à Ségou, ils ont emporté des sabres, des objets royaux, 143 manuscrits, en plus du fils du résistant âgé d’une dizaine d’années», a relevé Guèye, en illustration de l’ampleur de l’œuvre destructrice de la colonisation, qui n’a épargné aucun secteur.

«Les missionnaires ont joué un rôle important dans cette opération, en demandant aux autochtones de jeter leurs objets d’adoration.

Leur objectif supposé de «civiliser» les Africains leur a permis de soustraire les pièces pour les convoyer ensuite en France», a encore relevé Guèye, sans omettre les missions ethnographiques qui leur ont aussi permis de mettre la main sur des objets culturels.

Des échanges épistolaires de Louis Faidherbe, ancien Gouverneur de l’Afrique occidentale française (Aof), témoignent de la cruauté des méthodes utilisées par l’armée coloniale française dans l’entreprise d’aliénation.

«En dix jours, nous avons brûlé plusieurs villages de la Taouey (Nord du Sénégal), pris 2000 bœufs, 30 chevaux, 50 ânes et un important nombre de moutons, fait 150 prisonniers, tué 100 hommes et inspiré une salutaire terreur à ces populations», revendiquait dans une lettre, le Français Louis Faidherbe, gouverneur du Sénégal entre 1863 et 1865. «J’ai détruit de fond en comble un charmant village de 200 maisons et tous les jardins. Cela a terrifié la tribu, qui est venue se rendre aujourd’hui», a-t-il encore évoqué en 1851 dans une lettre à sa mère,
parlant de ses faits d’armes en Algérie.
Les pillages et destructions allant avec ont toutefois épargné les créations artistiques et cultuelles que les conquérants ont transférées dans leur pays comme butin de guerre. C’est ainsi que se sont retrouvés dans les musées français, des restes humains et objets culturels en provenance d’Afrique. Aucun des terroirs conquis n’a été épargné dans cette œuvre d’expropriation à grande échelle ayant vidé des sociétés entières de leur essence.

Une restitution à pas de tortue
La France s’était engagée, par la voix du Président Emmanuel Macron, à une opération d’envergure de restitution des biens culturels subtilisés d’Afrique pendant la période coloniale. «Je veux que d’ici 5 ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique», avait lancé le Président Macron, lors d’une visite à Ouagadougou (Burkina Faso) en 2017.

Cinq ans après cette annonce, les avancées sont bien timides dans cette voie de la restitution des œuvres aux terroirs d’origine. Vingt-six objets royaux pillés en 1892 par les troupes françaises et exposés au Musée Quai Branly (France) ont officiellement été restitués au Bénin en novembre 2021.

Le sabre du légendaire résistant El Hadj Oumar Foutiyou Tall a quitté, en novembre 2019, le Musée de l’Armée à Paris pour le Musée des civilisations de Dakar, sous forme de prêt à longue durée. Vingt crânes de résistants algériens dont celui du Cheikh Bouziane, transférés à Alger en juillet 2020. Ce sont jusque-là les quelques opérations de restitution officielles opérées par la France. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, entre 80 et 90% des objets d’art historiques africains se trouvent actuellement dans des musées à l’étranger.
Faisant un inventaire non exhaustif de la situation pour la France, le site arte.tv a relevé 6910 objets à restituer au Mali, 3157 au Bénin, 9296 au Tchad et 7781 à Madagascar. «On entend souvent répéter que 90% du patrimoine historique africain seraient hors d’Afrique, le chiffre est difficile à vérifier», a posé l’historienne française Bénédicte Savoy, co-autrice du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain.

«On sait en revanche qu’au seul Musée du Quai Branly sont conservées 70 000 pièces venues en France depuis l’Afrique subsaharienne depuis le milieu du 19ème siècle (…) Il faut imaginer des chiffres similaires à Bruxelles, Stuttgart ou à Londres», a encore insisté l’universitaire.

«L’Afrique subsaharienne est un cas d’école : elle est la région du monde qui connaît la plus grande expropriation de son patrimoine», a noté l’universitaire sénégalais Felwine Sarr.

«Il n’est pas juste que l’essentiel du patrimoine d’une communauté soit absent, qu’il ne permette pas à un peuple de reconstruire son histoire, sa mémoire, de reconnecter sa jeunesse avec cette histoire, de faire une resocialisation de ses objets», a poursuivi Sarr, s’étant exprimé, comme sa collègue, à la suite de la publication du rapport en 2018.

Avant que ne se soit prononcé le Président Macron sur la question, les Etats africains et intellectuels du continent avaient déjà porté la revendication dès l’accession à la souveraineté internationale des Etats africains. L’ancien Président du Zaïre (actuel Rd Congo), le Général Mobutu, avait donné de la voix en ce sens à la tribune de l’Onu en 1973 ; une demande ayant fait écho favorable. Une résolution dénommée «Restitution d’œuvres d’art à des pays victimes» avait été adoptée par l’Onu.

Demandes et revendications
Dans la foulée, le Directeur général de l’Unesco d’alors, le Sénégalais Amadou Makhtar Mbow, mettait sur pied, en 1978, le Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale.

«Les demandes en faveur d’un accès universel aux chefs-d’œuvre de l’humanité et du retour des biens culturels dans leur pays d’origine ne cesseront de se multiplier dans les années qui viennent», avait indiqué l’universitaire camerounais Achille Mbembe.

«Ces demandes et revendications porteront sur les œuvres et objets dont l’acquisition s’est faite d’une manière qui, du point de vue éthique, n’est défendable ni hier ni aujourd’hui», a enchaîné l’universitaire dans le rapport «Les nouvelles relations Afrique-France», remis au Président Français en octobre 2021.

Les initiatives doivent venir des pays concernés pour que la restitution soit effective pour les centaines de milliers de pièces décorant les musées de France. «C’est aux gouvernements africains de faire des demandes de restitution au ministère français des Affaires étrangères», pense Sarr, notant que la Côte d’Ivoire a réagi par l’introduction d’une demande pour 143 objets. Le travail en aval, devant se matérialiser, entre autres, par la construction de musées adéquats en Afrique, suit, pour l’heure, son cours dans plusieurs pays, en attendant plus de diligence de la part de la France et des autres pays pour que les œuvres subtilisées durant cette sombre période reviennent à la terre des concepteurs et réels propriétaires.

Ils se comptent par centaines de milliers, les objets et biens culturels soustraits d’Afrique par la France durant l’époque coloniale et meublant encore aujourd’hui des institutions muséales et collections privées dans ce pays. Au-delà de l’occupation des territoires et de l’accaparement de leurs ressources premières, le colonialisme français s’est dédoublé d’une vaste opération de spoliation des œuvres historiques et culturelles à la signification particulière chez les autochtones. «90 mille objets que nous avons comptés, au moins, pour l’Afrique subsaharienne, sont dans les musées français», a noté l’économiste sénégalais Felwine Sarr, co-auteur du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain (publié en 2018) commandité par l’Etat français. Felwine Sarr, qui s’était exprimé en marge de la remise symbolique de l’épée de El Hadj Oumar Foutiyou à l’Etat du Sénégal, a indiqué qu’autour de 80 à 85% du patrimoine culturel matériel africain se trouvent en Europe occidentale.

Objets spoliés par la force du canon et par la ruse
A la faveur de conquêtes militaires, les Français ont sapé toute volonté de résistance à leur œuvre d’accaparement. Au Sénégal par exemple, les résistants Lat Dior Diop, Alboury Ndiaye, Mamadou Lamine Dramé ou encore El Hadj Oumar Foutiyou Tall ont fait face et sont tombés face à l’Armée française. Samory Touré et Kissi Kaba Keïta en Guinée… Partout ailleurs où ils sont passés, il en était de même pour les autochtones, balayés par la force des armes. L’historien Mbaye Guèye, qui évoque une «expropriation éhontée par la force du fusil», n’a pas manqué de dénoncer la brutalité exercée par la puissance coloniale pour s’accaparer de biens culturels.

Il ajoute : «La colonisation n’était pas que militaire et économique, il fallait aussi déposséder les Africains de leur culture matérielle.» «Pour marquer sa victoire après des confrontations avec des armées de résistance sous-équipées, l’armée coloniale française s’est offert un butin de guerre, fruit de pillage et d’expropriation forcés d’éléments fonctionnels des cultures locales dont le sens dépassait le cadre esthétique», a-t-il indiqué, affirmant que bijoux, décorations de palais, statues et autres artefacts ont ainsi été envoyés en France.

«Lors de la victoire sur les troupes de Ahmadou à Ségou, ils ont emporté des sabres, des objets royaux, 143 manuscrits, en plus du fils du résistant âgé d’une dizaine d’années», a relevé Guèye, en illustration de l’ampleur de l’œuvre destructrice de la colonisation, qui n’a épargné aucun secteur.

«Les missionnaires ont joué un rôle important dans cette opération, en demandant aux autochtones de jeter leurs objets d’adoration.
Leur objectif supposé de «civiliser» les Africains leur a permis de soustraire les pièces pour les convoyer ensuite en France», a encore relevé Guèye, sans omettre les missions ethnographiques qui leur ont aussi permis de mettre la main sur des objets culturels.

Des échanges épistolaires de Louis Faidherbe, ancien Gouverneur de l’Afrique occidentale française (Aof), témoignent de la cruauté des méthodes utilisées par l’armée coloniale française dans l’entreprise d’aliénation.

«En dix jours, nous avons brûlé plusieurs villages de la Taouey (Nord du Sénégal), pris 2000 bœufs, 30 chevaux, 50 ânes et un important nombre de moutons, fait 150 prisonniers, tué 100 hommes et inspiré une salutaire terreur à ces populations», revendiquait dans une lettre, le Français Louis Faidherbe, gouverneur du Sénégal entre 1863 et 1865. «J’ai détruit de fond en comble un charmant village de 200 maisons et tous les jardins. Cela a terrifié la tribu, qui est venue se rendre aujourd’hui», a-t-il encore évoqué en 1851 dans une lettre à sa mère, parlant de ses faits d’armes en Algérie.

Les pillages et destructions allant avec ont toutefois épargné les créations artistiques et cultuelles que les conquérants ont transférées dans leur pays comme butin de guerre. C’est ainsi que se sont retrouvés dans les musées français, des restes humains et objets culturels en provenance d’Afrique. Aucun des terroirs conquis n’a été épargné dans cette œuvre d’expropriation à grande échelle ayant vidé des sociétés entières de leur essence.

Une restitution à pas de tortue
La France s’était engagée, par la voix du Président Emmanuel Macron, à une opération d’envergure de restitution des biens culturels subtilisés d’Afrique pendant la période coloniale. «Je veux que d’ici 5 ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique», avait lancé le Président Macron, lors d’une visite à Ouagadougou (Burkina Faso) en 2017.

Cinq ans après cette annonce, les avancées sont bien timides dans cette voie de la restitution des œuvres aux terroirs d’origine. Vingt-six objets royaux pillés en 1892 par les troupes françaises et exposés au Musée Quai Branly (France) ont officiellement été restitués au Bénin en novembre 2021.

Le sabre du légendaire résistant El Hadj Oumar Foutiyou Tall a quitté, en novembre 2019, le Musée de l’Armée à Paris pour le Musée des civilisations de Dakar, sous forme de prêt à longue durée. Vingt crânes de résistants algériens dont celui du Cheikh Bouziane, transférés à Alger en juillet 2020. Ce sont jusque-là les quelques opérations de restitution officielles opérées par la France. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, entre 80 et 90% des objets d’art historiques africains se trouvent actuellement dans des musées à l’étranger.
Faisant un inventaire non exhaustif de la situation pour la France, le site arte.tv a relevé 6910 objets à restituer au Mali, 3157 au Bénin, 9296 au Tchad et 7781 à Madagascar. «On entend souvent répéter que 90% du patrimoine historique africain seraient hors d’Afrique, le chiffre est difficile à vérifier», a posé l’historienne française Bénédicte Savoy, co-autrice du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain.

«On sait en revanche qu’au seul Musée du Quai Branly sont conservées 70 000 pièces venues en France depuis l’Afrique subsaharienne depuis le milieu du 19ème siècle (…) Il faut imaginer des chiffres similaires à Bruxelles, Stuttgart ou à Londres», a encore insisté l’universitaire.

«L’Afrique subsaharienne est un cas d’école : elle est la région du monde qui connaît la plus grande expropriation de son patrimoine», a noté l’universitaire sénégalais Felwine Sarr.

«Il n’est pas juste que l’essentiel du patrimoine d’une communauté soit absent, qu’il ne permette pas à un peuple de reconstruire son histoire, sa mémoire, de reconnecter sa jeunesse avec cette histoire, de faire une resocialisation de ses objets», a poursuivi Sarr, s’étant exprimé, comme sa collègue, à la suite de la publication du rapport en 2018.

Avant que ne se soit prononcé le Président Macron sur la question, les Etats africains et intellectuels du continent avaient déjà porté la revendication dès l’accession à la souveraineté internationale des Etats africains. L’ancien Président du Zaïre (actuel Rd Congo), le Général Mobutu, avait donné de la voix en ce sens à la tribune de l’Onu en 1973 ; une demande ayant fait écho favorable. Une résolution dénommée «Restitution d’œuvres d’art à des pays victimes» avait été adoptée par l’Onu.

Demandes et revendications
Dans la foulée, le Directeur général de l’Unesco d’alors, le Sénégalais Amadou Makhtar Mbow, mettait sur pied, en 1978, le Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale.

«Les demandes en faveur d’un accès universel aux chefs-d’œuvre de l’humanité et du retour des biens culturels dans leur pays d’origine ne cesseront de se multiplier dans les années qui viennent», avait indiqué l’universitaire camerounais Achille Mbembe.

«Ces demandes et revendications porteront sur les œuvres et objets dont l’acquisition s’est faite d’une manière qui, du point de vue éthique, n’est défendable ni hier ni aujourd’hui», a enchaîné l’universitaire dans le rapport «Les nouvelles relations Afrique-France», remis au Président Français en octobre 2021.

Les initiatives doivent venir des pays concernés pour que la restitution soit effective pour les centaines de milliers de pièces décorant les musées de France. «C’est aux gouvernements africains de faire des demandes de restitution au ministère français des Affaires étrangères», pense Sarr, notant que la Côte d’Ivoire a réagi par l’introduction d’une demande pour 143 objets. Le travail en aval, devant se matérialiser, entre autres, par la construction de musées adéquats en Afrique, suit, pour l’heure, son cours dans plusieurs pays, en attendant plus de diligence de la part de la France et des autres pays pour que les œuvres subtilisées durant cette sombre période reviennent à la terre des concepteurs et réels propriétaires.

By Albert C. Diop

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