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Au Mali, les ex-rebelles de la CMA, signataires de l’accord de paix de 2015, dénoncent de nouveaux bombardements de leurs positions 29 août 2023 à Anefis, dans la région de Kidal. La veille, l’armée malienne affirmait avoir visé des groupes armés terroristes. Alors que Bamako appelle les groupes signataires à revenir à la table des négociations, les faits sur le terrain semblent plutôt indiquer la lente reprise d’une guerre qui ne dit pas son nom.
Par :David Baché
Ce 29 août 2023 au matin, vers 8h30, tout comme la veille en début d’après-midi, des avions de l’armée malienne ont bombardé les positions des ex-rebelles indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signataires de l’accord de paix de 2015.
Sollicitée ce matin, l’armée malienne n’a pas donné suite mais un communiqué de l’état-major affirmait hier soir que les frappes avaient visé « un regroupement de groupes armés terroristes, auteurs de plusieurs exactions contre les populations civiles et d’attaques contre » les forces maliennes (Fama), sans précisions. Dans ce même communiqué, l’armée assure avoir « neutralisé » « plusieurs combattants terroristes » et détruit quatre véhicules.
Anefis après Ber
Mais la CMA confirme que ce sont bien ses positions qui ont été visées, et précise avoir procédé, hier comme ce matin, à des tirs de riposte. La CMA affirme ne déplorer aucune victime ni aucun dégât.
Ces événements surviennent deux semaines après ceux de Ber, près de Tombouctou : l’arrivée de l’armée malienne dans le camp laissé libre par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) avait déjà donné lieu à des confrontations entre Fama et CMA. Depuis, les ex-rebelles accusent l’armée malienne et ses supplétifs russes du groupe Wagner de traiter « tous les habitants du secteur » de Ber comme s’ils étaient « des terroristes » : selon eux, 17 civils y auraient été arrêtés, torturés et, pour certains exécutés « sans aucune forme de procès ».
« Guerre » ?
Cela signifie-t-il que la guerre a bel et bien repris entre l’État malien et la CMA ? Officiellement, le mot n’est prononcé par personne.
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Hier soir, dans un communiqué ne faisant pas mention des événements de Ber ni d’Anefis, le ministre malien de la Réconciliation nationale, le Colonel Ismaël Wagué, a même réaffirmé son attachement à l’accord de paix et a « invité » les groupes armés signataires « à revenir à la table des négociations ».
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Sollicité par RFI sur la concomitance de cette « invitation » et des bombardements, le ministère n’a pas donné suite.
« Escalade »
Plusieurs cadres de la CMA, joints par RFI, la jugent quant à eux « insensée » vu le contexte. Ils estiment que les autorités maliennes de transition veulent la confrontation mais ne l’assument pas publiquement. La CMA, qui pèse ses mots elle aussi, estime aujourd’hui que « Bamako a définitivement et délibérément opté pour une escalade vers des hostilités ouvertes aux conséquences obligatoirement désastreuses ». C’est ce qu’indique un communiqué diffusé lundi soir.
Depuis des mois, les autorités maliennes de transition et les groupes signataires se renvoient la responsabilité des blocages dans l’application de l’accord.
Quant à la médiation internationale pour le suivi de l’accord de paix, menée par l’Algérie et très fragilisée par la fin de la Minusma au Mali – la mission onusienne y jouait un rôle central –, son dernier communiqué remonte au 11 juin dernier.
Attaye Ag Mohamed: «La guerre devient de plus en plus inévitable»
Attaye Ag Mohamed est l’un des principaux dirigeants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), chef de la délégation en charge de la mise en œuvre de l’accord de paix. Il dénonce la concomitance des bombardements de l’armée et de l’invitation au dialogue de Bamako.
« Il s’agit d’un jeu qui fait partie d’un plan bien ficelé, affirme-t-il au micro de David Baché. Cette stratégie consiste à créer un amalgame entre la CMA et les groupes terroristes, à ne pas dire clairement : « C’est la CMA que nous visons. » Aujourd’hui, le gouvernement pose des actes qui rendent l’accord caduque, et ces actes sont plus parlants que des déclarations ».
La CMA se considère-t-elle comme à nouveau en guerre contre l’État du Mali, ou est-il toujours possible de l’éviter ?
Attaye Ag Mohamed répond : « Aujourd’hui, la décision qui est prise c’est la défensive, ce qui ne veut pas simplement dire qu’on attend d’être attaqués. Ce qui est sûr, c’est que nous ne souhaitons pas déclarer la guerre. Mais aujourd’hui, tous les actes qui sont posés sur le terrain [par les autorités maliennes de transition, NDLR] laissent à comprendre que la guerre devient de plus en plus inévitable. »
Il conclut : « Les gens attendent de nous une déclaration par rapport aux actes du gouvernement, une déclaration qui pourrait être cruciale, décisive par rapport à la guerre ou non. Mais pour nous, le gouvernement a entièrement décidé de poser des actes qui sont compromettants pour ses engagements [accord de paix de 2015 et accord de cessez-le-feu de 2014, NDLR]. »
RFI a également offert la parole au ministère malien de la Réconciliation nationale, qui n’a pas donné suite.