Le président de la République ne comprend pas qu’avec tous les moyens dotés à la Marine nationale, ainsi que l’efficacité des services de renseignement, des pirogues, toujours plus nombreuses, quittent les côtes sénégalaises pour tenter de gagner l’Europe, mettant en danger la vie de nombreux jeunes gens. Il a demandé d’y mettre de l’ordre.
Ce n’est pas parce qu’il ne s’exprime pas publiquement sur la question qu’elle ne le préoccupe pas. La preuve, le Président Macky Sall ne s’est pas retenu hier, pour interpeller vigoureusement le chef d’Etat-major des armées, ainsi que plusieurs officiers supérieurs des Forces de défense et de sécurité, sur la question de l’émigration irrégulière. Le chef de l’Etat a voulu savoir ce qui était fait pour endiguer ce phénomène des pirogues qui prennent la mer de nos côtes, pour tenter de gagner les rives de l’Europe.
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Macky Sall a dit ne pas comprendre qu’à la lumière des moyens dont sont dotés les services de renseignement, les garde-côtes, la gendarmerie et autres, que des pirogues bondées de monde en arrivent toujours, non seulement à prendre la mer, mais aussi à passer à travers les mailles du filet mis en place par les services de protection de la Marine, parfois avec le soutien de services comme Frontex, bien équipé au Sénégal par les Espagnols principalement.
En effet, depuis quelques années, la Marine sénégalaise a été équipée de suffisamment de navires et même d’aéronefs, pour ne pas permettre à des intrus d’entrer sans être vus sur notre territoire, et à des clandestins d’en sortir au nez à la barbe des Forces de sécurité. Le Président voudrait comprendre s’il y a négligence ou incompétence de la part des Forces de défense et de sécurité, ou pire encore, de la complicité de la part de certains éléments.
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Ce dernier point est d’ailleurs soulevé par certaines populations des zones côtières. Ainsi, entre Rufisque et Bargny, c’est parfois en plein jour, au vu et au su de tout le monde, que ces esquifs prennent la mer, avec leur cargaison de candidats à l’émigration. La dame, Y. Diop, la quarantaine, habitant Bargny Guedj, raconte comment elle et ses voisins ont été témoins du départ de 4 pirogues le jeudi 2 novembre dernier. «Il y avait de tout. Des jeunes enfants comme des adultes, et même des femmes allaitantes. Il suffisait de payer pour embarquer.» Le tarif du voyage est connu de tous, ce sont 300 mille francs Cfa par personne. «Quand le passeur a encaissé suffisamment d’argent, il peut même faire une faveur et embarquer une ou deux personnes gratuitement», raconte un jeune maçon, qui lui aussi se prépare au départ, un jour prochain.
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Ici, les quelques éléments de la police, qui avaient au début tenter d’empêcher les départs, ont été pris à partie par les populations, et ne se sont plus risqués à tenter quoi que ce soit. Les seuls en mesure d’empêcher les départs sont les patrouilles des garde-côtes, suffisamment dissuasives pour gêner le phénomène. Le coup de sang de Macky Sall aurait un effet bénéfique s’il aidait à accroître les patrouilles.
Néanmoins, les passeurs prédisent une décrue du nombre des départs dans les jours à venir, au vu de la dégradation des conditions atmosphériques dans les pays d’arrivée, notamment en Espagne et en Italie, avec l’approche de l’hiver.
mgueye@lequotidien.sn