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Une tension accrue règne entre deux pays aux relations bilatérales historiquement complexes, qu’aggrave la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Au point de menacer l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie, qui limitait initialement l’immigration à 35 000 Algériens par an, qui pouvaient entrer en France sans avoir besoin d’un visa de long séjour.

Le climat entre la France et l’Algérie ne cesse de se détériorer, marqué par des tensions croissantes qui trouvent leur origine dans des décisions politiques controversées et des différends diplomatiques persistants. La récente arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à la mi-novembre, ainsi que le retour en Algérie d’un influenceur algérien expulsé de France, ont exacerbé une situation déjà fragile. Ces événements surviennent dans un contexte où la reconnaissance par Paris, en juillet dernier, de la souveraineté marocaine sur le Sahara a profondément irrité Alger et le Front Polisario, son allié de longue date.

Dans ce climat délétère, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a admis, lors d’un entretien accordé au journal L’Opinion, que le dialogue entre les deux nations était « quasiment interrompu ». Ce constat témoigne de la gravité de la crise, qui s’enracine dans des relations bilatérales historiquement complexes et ponctuées de malentendus.

Au cœur de cette discorde, un accord bilatéral signé le 27 décembre 1968, régissant les conditions de circulation et de séjour des ressortissants algériens en France. Négocié par Abdelaziz Bouteflika, alors ministre algérien des Affaires étrangères et futur président (1999-2019), cet accord, bien que perçu aujourd’hui comme relativement libéral, visait à l’époque à restreindre certains avantages migratoires accordés antérieurement.

Or, un rapport sénatorial présenté mercredi préconise la résiliation pure et simple de cet accord, un geste perçu comme une réponse directe aux « provocations » algériennes qui auraient, selon ses auteurs, contribué à la dégradation des relations diplomatiques. Ce rapport conclut une mission d’information lancée au printemps 2024 et recommande l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations pour rééquilibrer les conditions de séjour des Algériens en France.

Un débat politique houleux

Les recommandations du rapport ne se limitent pas à l’accord de 1968. La mission sénatoriale appelle également à mettre fin à l’application de l’accord du 16 décembre 2013, qui permet aux responsables algériens de se rendre en France sans visa. Cette proposition, soutenue par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et le ministre de la Justice Gérald Darmanin, s’inscrit dans une volonté de durcir la politique migratoire à l’égard de l’Algérie.

Le sénateur Olivier Bitz (Horizons), co-auteur du rapport aux côtés de la sénatrice Les Républicains Muriel Jourda, a justifié cette initiative en déclarant : « Il faut dépasser le statu quo. L’histoire riche et douloureuse entre nos deux pays ne peut justifier de privilégier l’immigration en provenance d’Algérie. »

Muriel Jourda a renchéri : « Quand on rend service, on pourrait s’attendre à une relation au moins équilibrée. Or, la relation est aujourd’hui déséquilibrée, très défavorable à la France. »

Toutefois, cette initiative a suscité de vives critiques, notamment à gauche. La députée socialiste Corinne Narassiguin s’est désolidarisée du rapport qu’elle devait initialement co-rédiger. Selon elle, « envisager la rupture de cet accord est une provocation qui ne sert ni l’un ni l’autre de nos pays ». Elle a averti que cette décision enverrait « un très mauvais signal à tous les Algériens et Franco-Algériens présents sur notre territoire ».

Narassiguin a également dénoncé la mission sénatoriale, qu’elle a qualifiée d’« outil créé de toutes pièces pour valider la campagne de Bruno Retailleau ». Soulignant que « les auditions d’experts menées pendant plusieurs mois n’ont pas démontré clairement et unanimement la nécessité de dénoncer cet accord ».

Malgré cette opposition, le rapport a été adopté par la commission des lois grâce au soutien de la droite et de la majorité des centristes, qui dominent la chambre haute du Parlement. Ce vote marque une étape significative vers une possible révision des relations migratoires entre les deux pays.

Cette proposition intervient dans un contexte de durcissement de la position française vis-à-vis de l’Algérie, illustrée par les déclarations récentes de Bruno Retailleau. Le ministre de l’Intérieur a affirmé sa volonté de « remettre sur la table » un accord qu’il juge « daté » et qui « déforme l’immigration ».
Cette posture agressive pourrait bien aggraver les tensions existantes et compromettre davantage les chances de renouer un dialogue constructif entre Paris et Alger.

Alors que l’Algérie traverse elle-même une période d’instabilité économique et sociale, alimentée par des tensions régionales et des défis internes, la remise en cause de cet accord pourrait avoir des répercussions profondes sur les relations bilatérales, mais aussi sur la diaspora algérienne en France, qui compte plusieurs millions de personnes.

MK/ac/Sf/APA

By Albert C. Diop

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