
Alors que les émissaires américains multiplient les visites à Bamako, Ouagadougou et Niamey pour relancer le partenariat, Washington impose dans le même temps cautions exorbitantes et suspensions consulaires aux ressortissants maliens, burkinabè et nigériens.
Les États-Unis multiplient les visites diplomatiques de haut niveau au Mali, au Burkina Faso et au Niger tout en durcissant simultanément leurs politiques consulaires à l’encontre des ressortissants de ces trois pays sahéliens, illustrant une approche contradictoire entre ouverture politique et restrictions migratoires.
Washington a annoncé l’instauration d’une caution remboursable pouvant atteindre 15 000 dollars pour les demandeurs maliens de visas touristiques et d’affaires, à compter du 23 octobre. Cette mesure s’ajoute aux 185 dollars de frais standard et à un nouveau prélèvement de 250 dollars (Visa Integrity Fee) effectif dès le 1er octobre 2025.
En même temps, l’ambassade américaine au Burkina Faso a suspendu mercredi la délivrance de la quasi-totalité des visas à Ouagadougou, obligeant les demandeurs à se rendre à Lomé. Seuls les visas diplomatiques et officiels restent traités sur place. Ouagadougou a immédiatement appliqué la réciprocité et rejeté une proposition américaine de rapatriement de migrants irréguliers.
« Le Burkina restera une terre de dignité et non une terre de déportation », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean Marie Traoré.
Au Niger, Washington avait déjà suspendu en juillet tous les services de délivrance de visas à Niamey « jusqu’à nouvel ordre », invoquant des « préoccupations » non résolues avec le gouvernement nigérien. Niamey a riposté le 28 août en suspendant la délivrance de visas aux citoyens américains à Washington, les redirigeant vers ses missions diplomatiques hors des États-Unis.
Ces mesures restrictives contrastent avec l’intense activité diplomatique américaine dans la région. Du 8 au 10 juillet, Rudolph Atallah, directeur adjoint à la lutte antiterrorisme à la Maison Blanche, était à Bamako pour discuter d’une « coopération rénovée » portant notamment sur l’intégration de la Confédération des États du Sahel (AES) dans la stratégie antiterroriste.
Quelques semaines auparavant, le sous-secrétaire d’État pour l’Afrique de l’Ouest Will Stevens avait transmis à Ouagadougou un « message du président Donald Trump » sur une coopération « respectueuse de la souveraineté ». Le général Michael Langley, alors commandant d’AFRICOM, a reconnu à Nairobi la recrudescence des attaques au Sahel depuis le retrait américain du Niger en 2024.
Fin avril, le Premier ministre nigérien Ali Mahamane Lamine Zeine a été reçu à Washington pour discuter de la relance des relations bilatérales, après la dénonciation des accords de défense.
Ces initiatives interviennent alors que le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont rompu avec la France, accusée d’ingérence, et se sont retirés de la Cédéao. Les trois pays ont parallèlement resserré leurs liens avec Moscou, qui fournit désormais un appui logistique et des instructeurs militaires.
Cette dualité de la politique américaine – discours de partenariat d’une part, mesures consulaires restrictives d’autre part – est perçue dans la région comme un signal de méfiance persistante, compliquant les efforts de Washington pour maintenir son influence dans un Sahel où la diplomatie occidentale perd du terrain.
AC/Sf/APA