En Afrique de l’Ouest, le financement du commerce ne couvre que 25% des flux de marchandises (rapport)

(Agence Ecofin) – Le rapport souligne que la faible part du commerce soutenue par un financement s’explique en partie par le fait que de nombreux importateurs et exportateurs ont renoncé à demander des financements aux banques, en raison des exigences élevées en matière de garanties, des taux d’intérêt élevés et de rejets antérieurs.

Dans les quatre plus grandes économies de la CEDEAO, à savoir le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal, le financement du commerce ne couvre que 25% des flux commerciaux de marchandises, selon un rapport publié en mai dernier par la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI).

Intitulé « Soutenir le financement du commerce pour l’expansion et la diversification du commerce international en Afrique de l’Ouest », le rapport se base sur les résultats d’une enquête réalisée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Société financière internationale (SFI) auprès de l’ensemble de 78 banques opérant dans ces quatre pays nommés Cedeao-4.

Cette enquête a permis d’établir que la taille totale du marché du financement du commerce dans la Cedeao-4 en 2021 était de 42 milliards de dollars, ne soutenant que 25% des flux commerciaux de marchandises (168 milliards de dollars) de ces pays cette année-là.

Des écarts importants existent cependant entre les quatre pays. Au Ghana, le financement du commerce couvre 41% des flux commerciaux de marchandises contre 33% en Côte d’Ivoire, 21% au Nigeria et 15% au Sénégal.

Le taux de couverture du financement du commerce dans les quatre pays étudiés est ainsi bien inférieur à la moyenne continentale estimée à environ 40% et aux niveaux enregistrés dans les pays avancés, qui vont de 60 à 80%.

Les principales raisons de cette faible couverture ne sont pas seulement les taux élevés de rejet des demandes (21% du nombre des demandes et 25% pour leur valeur totale), mais aussi le fait que de nombreux importateurs et exportateurs ont renoncé à demander des financements aux banques, en raison notamment des exigences élevées en matière de garanties, des taux d’intérêt élevés (beaucoup plus élevés que la moyenne des marchés émergents) et de rejets antérieurs.

Un marché concentré sur les exportateurs et importateurs bien établis

Le rapport souligne que les banques sont quasiment les fournisseurs exclusifs du financement du commerce dans la Cedeao-4. Les dix plus grandes banques du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Sénégal représentent plus des deux tiers du marché du financement du commerce, bien que des petites banques consacrent une proportion plus élevée de leurs actifs à ce segment et reçoivent les deux tiers du total des demandes. Les effets d’échelle conduisent les plus grandes entreprises vers les plus grandes banques, qui mettent à disposition un plus grand réseau de relations de correspondants internationaux et peuvent accepter des valeurs de transactions plus importantes, en rapport avec la taille de leurs bilans. Ces effets d’auto-sélection ne favorisent pas les nouvelles entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises (PME) opérant dans les nouveaux secteurs. Par conséquent, les marchés locaux de financement du commerce se concentrent uniquement sur les exportateurs et importateurs bien établis, utilisant des produits de financement du commerce traditionnels tels que les lettres de crédit pour les importateurs les plus importants et le financement pré-expédition pour les exportateurs de produits de base, comme le pétrole brut, le cacao et le caoutchouc.

Les biens de consommation sont les produits les plus fréquemment soutenus, 90% des banques interrogées fournissant des financements à cette catégorie. Les biens d’équipement, du côté des importations, et les exportations de nouveaux produits dans les filières agro-alimentaires qui pourraient jouer un rôle dans l’intégration de la Cedeao-4 dans les chaînes de valeur régionales ou mondiales, reçoivent proportionnellement moins de soutien de la part des banques.

Des coûts nets d’emprunt allant de 6 % au Ghana à 17% au Nigeria

D’autre part, le coût du financement du commerce dans les quatre pays d’Afrique de l’Ouest étudiés est très élevé par rapport aux standards internationaux. Le coût net d’un emprunt pour une transaction commerciale (à savoir le taux net facturé au commerçant moins le taux directeur national) est estimé à 6% au Ghana, 9% en Côte d’Ivoire et au Sénégal, et jusqu’à 17% au Nigeria. Les PME sont généralement confrontées à des coûts plus élevés que les grandes entreprises. Ces coûts vont jusqu’à deux fois le montant pour les crédits commerciaux ou des garanties à l’importation.

Fondation de droit français visant à favoriser la compréhension du développement économique international, la FERDI précise en se basant sur les données recueillies dans l’enquête menée par l’OMC et la SFI que la suppression des goulots d’étranglement au financement du commerce pourrait stimuler le commerce de marchandises de la Cedeao-4 de 8%, soit de 13 milliards de dollars par an, dans un scénario où l’offre de financement du commerce dans les quatre pays est portée au niveau de la moyenne du continent africain (de 25% à 40%), tandis que les coûts sont ramenés à des niveaux comparables à ceux des pays émergents.

Le fait de porter l’offre de financement du commerce aux niveaux enregistrés des pays avancés pourrait, quant à lui, augmenter les flux commerciaux des pays de la Cedeao-4 de 16%, soit 26 milliards de dollars par an.

Pour accroître l’offre de financement du commerce dans les pays d’Afrique de l’Ouest, le rapport recommande d’intégrer plus fermement le financement du commerce dans la mise en œuvre de l’accord de libre-échange continental africain, de renforcer la mise à disposition des banques de davantage de données pour élargir l’éventail des entreprises pouvant accéder au financement ainsi que le recours à des formes alternatives de financement du commerce comme l’affacturage, les fonds de financement du commerce ou les plateformes électroniques de fonds de roulement qui sont actuellement embryonnaires dans la région.

By Albert C. Diop

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