Avec l’arrivée de Lionel Messi à Miami, la Major League Soccer s’offre un coup de projecteur mondial pour les prochaines années et devrait attirer plus de médias et de téléspectateurs. Mais contrairement aux championnats européens, la ligue américaine possède de nombreux artifices complexes. Explications.

Face au mercato d’été agressif des clubs saoudiens, notamment ceux détenus par le fonds souverain saoudien Public Invest Fund (PIF) ayant pris le contrôle de quatre des plus grands clubs de la Saudi Pro League (Al-Nassr, Al-Hilal, Al-Ittihad et Al-Ahli), la Major League Soccer (MLS) a tout de même pu compter sur une sacrée arrivée avec la signature de Lionel Messi à l’Inter Miami : «J’ai vu ce qu’il s’est passé en Chine et je ne m’en suis pas inquiété, pas plus que je ne m’inquiète de ce qui se passe en Arabie saoudite, c’est tout le contraire. Le fait que nous puissions étendre le pouvoir et l’influence du football professionnel à travers le monde nous offre une occasion à nous tous qui sommes les marchés émergents. Quand le meilleur joueur de l’histoire fait de la MLS le championnat de son choix, je crois que c’est une preuve d’où elle se trouve et où elle ira dans les années à venir», a récemment déclaré le patron de la MLS, Don Garber. Un bon moyen pour la MLS de capitaliser dans l’espoir de poursuivre les belles promesses affichées ces dernières années.

Si l’envie de comparer les différents marchés transversaux (Arabie saoudite, Qatar, Etats-Unis, Chine) est toujours forte, la Major League Soccer a trop de différences majeures pour être simplement opposée aux autres championnats, et possède en tant que tel toute une organisation presque unique sur la planète foot. Avec les arrivées de grandes figures cet été, il est important de dresser ce guide afin de mieux comprendre toutes les variations qui rythment cette ligue américaine : «L’Amérique du Nord génère une grande partie de l’énergie du soccer à l’échelle mondiale, et nous pensons que la MLS est l’un des moteurs de toute cette énergie. Nous voulons être l’une des meilleures ligues au monde. La question est, comment capter le cœur et l’esprit des amateurs du monde entier ?», a poursuivi Don Garber dans sa récente allocution pour le match des étoiles. Contrairement aux décennies passées, il faut savoir que la MLS est désormais le championnat de football le plus regardé aux Etats-Unis devant la Premier League, l’USL Championship (deuxième division américaine indépendante de la MLS) puis la Liga. En ce sens, l’attractivité du football aux Etats-Unis dépend de moins en moins de l’Europe.

Les codes d’une ligue fermée

C’est peut-être la plus grande différence majeure. Contrairement à l’Europe, les sports américains n’ont pas cette tradition de plusieurs échelons au sein d’un championnat, en instaurant des montées et des descentes en première division. A l’image de la NBA, de la NFL et des autres ligues majeures américaines, la MLS est fondée sur un système fermé, c’est-à-dire organisée autour de franchises réparties en deux conférences (Est et Ouest) déterminées à partir des zones régionales des villes. Les meilleures équipes de chaque conférence disputent ensuite les Playoffs (MLS Cup), afin de connaître l’affiche de la grande finale opposant le vainqueur de l’Est à celui de l’Ouest. D’après le format actuel adopté pour la saison 2023, 18 équipes se qualifient pour le tournoi éliminatoire sur la base des totaux de points de la saison régulière, soit les neuf équipes les mieux classées de la Conférence Est et de la Conférence Ouest. À la fin de la saison régulière, l’équipe avec le total de points le plus élevé reçoit le bouclier des supporters et ainsi l’avantage du terrain tout au long des Playoffs. Avec 29 équipes en 2023, chaque équipe joue deux matchs, à domicile et à l’extérieur, contre toutes les équipes de sa conférence et un match contre toutes les équipes sauf quatre ou cinq de la conférence opposée. La saison 2020 a été la première saison de l’histoire de la ligue au cours de laquelle les équipes n’ont pas joué contre toutes les autres équipes de la ligue.

Au-delà de cet aspect logistique et sportif du calendrier, la MLS tire une certaine originalité dans son organisation interne. Etant une ligue fermée, les négociations pour réformer le championnat se font directement entre les 29 franchises avec des dirigeants et des propriétaires qui prennent bien plus de place dans l’évolution de la ligue, construite en partie sur une égalité des chances – relative selon l’attractivité des villes. La Major League Soccer fonctionne sous une structure à entité unique dans laquelle les équipes et les contrats des joueurs sont détenus de manière centralisée par la ligue. Chaque équipe a un investisseur-opérateur qui est actionnaire directe du championnat. La ligue compte désormais 29 investisseurs-opérateurs pour ses 29 clubs actuels, aucun membre du groupe d’investisseurs d’un club n’ayant une participation dans celle d’un autre club. Depuis décembre 2015, date à laquelle AEG a vendu sa participation restante de 50% des Houston Dynamo, les anciens opérateurs à équipes multiples AEG et Hunt Sports, avec respectivement le LA Galaxy et le FC Dallas, ne contrôlent plus qu’une seule franchise. Afin de contrôler les coûts, la MLS partage les revenus et détient les contrats des joueurs au lieu que les joueurs passent des contrats avec des équipes individuelles. Néanmoins, encore une fois, il existe certaines particularités sur le domaine des signatures et des transferts.

Une écosystème surveillé à la loupe

Dans chaque grande ligue de sport américain, on retrouve plusieurs constantes qui sonnent peu communes en Europe, dont deux principales : la Free Agency et la Draft. Des événements d’inter-saison majeurs qui permettent aux effectifs américains de se renforcer. La Free Agency est le moyen le plus traditionnel de réaliser des manœuvres dans les sports américains : il est rare de voir une équipe acheter un joueur puisqu’en MLS comme dans les autres ligues de sports américains, les équipes signent des joueurs libres de tout contrat. Fidèle à son système de ligue fermée, la MLS a mis en place plusieurs types de contrats avec des salaires plafonnés. Lorsqu’un club MLS vend un de ses joueurs à l’étranger, le club et la ligue se partagent les revenus de transfert, le club conservant de 33% à 75% selon le statut et l’ancienneté du joueur. Les équipes MLS ont un nombre limité de places sur leeur liste qu’ils peuvent utiliser pour recruter des joueurs internationaux. Quant à la Draft, elle permet aux équipes les moins bien classées de la saison écoulée de sélectionner les meilleurs jeunes joueurs universitaires. Un moyen de rabattre les forces au sein de la ligue et d’encourager le changement.

Pour cette nouvelle saison 2023, la ligue a confirmé ses nouvelles règles de dépenses qui comprennent de réelles augmentations. Le plafond salarial (salary cap) est fixé à 5 210 000 $ par équipe, soit une hausse de 6,33 % par rapport au plafond salarial MLS 2022 (4 900 000 $ annuels). Le salaire minimum MLS pour un joueur est de 85 444 $ annuels. Le plafond salarial maximum atteint pour un salaire d’un joueur MLS est de 651 250 $ par an, mais une clause appelée “Règle David Beckham” permet aux équipes de signer des joueurs via un contrat désigné. Les équipes peuvent payer jusqu’à trois joueurs désignés au-delà du salaire max de 651 250 $ sans aucune modification supplémentaire de leur plafond. La Major League Soccer met aussi en place deux types d’options contractuelles, permettant aux équipes de contourner les règles :

l’allocation générale (GAM) peut être utilisée pour payer le salaire d’un joueur non désigné jusqu’au salaire minimum de la ligue ou le salaire d’un joueur désigné jusqu’à 150 000 $.

l’argent d’allocation ciblé (TAM) peut être utilisé pour payer les signatures des joueurs dont les salaires dépassent le seuil maximal autorisé de 651 250 $ mais ne dépassent pas le seuil TAM de 1 651 250 $ pour 2023. Clause utilisée pour les signatures de Zlatan Ibrahimović et Giorgio Chiellini.

Une ligue en net développement

Il y a encore quelques jours, Cristiano Ronaldo, aujourd’hui joueur au club saoudien d’Al-Nassr, a déclaré en conférence de presse d’après-match : «Je ne jouerai plus en Europe, et pas aux Etats-Unis non plus. Je veux jouer en Arabie. Je pense que le championnat saoudien est bien meilleur que le championnat américain». Des propos fermes de la légende portugaise mais en regardant les données chiffrées, la MLS se développe à une vitesse fulgurante sur plusieurs aspects. D’abord sportif puisque le commissaire de la ligue, Don Garber continue de travailler pour augmenter le nombre de franchises après la création du Charlotte FC en 2022 et du St. Louis City Soccer Club en 2023 : le milliardaire égypto-britannique Mohamed Mansour a versé à la MLS un droit d’expansion record de 500 millions de dollars pour obtenir les droits de création de cette 30e équipe qui sera basée à San Diego, en Californie, à partir de la saison 2025. Pour rester sur le côté intra-sportif, la ligue américaine, à l’image de la NBA avec sa G-League, a aussi crée des championnats secondaires avec la MLS Next, fondée en 2020 pour les jeunes espoirs de 16 à 20 ans, et la MLS Next Pro avec des équipes réserves composées de jeunes professionnels en quête de contrat fixe. En s’éloignant un peu plus des pelouses et si on jette un coup d’œil dans les bureaux, la MLS n’a pas laissé de côté son économie et son marketing – bien au contraire. Ces aspects sont tous étroitement liés autour d’événements sportifs clefs comme le All-Star Game, tradition sportive dans la culture américaine avec des tournois amusants et des matchs d’exhibition, mais aussi la Rivalry Week, une journée consacrée exclusivement aux derbys régionaux qui sentent bon la poudre.

La MLS connaît une croissance commerciale importante en s’appuyant sur de nombreuses marques (Audi, Mercedes, PayPal, Red Bull, Gillette, Bank of California, Allianz, Toyota…) pour le naming des stades. Le club du Los Angeles FC, tenants du titre, est récemment devenu la première franchise à atteindre une valorisation de plus d’un milliard de dollars selon Forbes, tandis qu’une équipe moyenne vaut désormais 579 millions de dollars, soit une augmentation de 85% depuis 2019. Le service d’abonnement MLS Season Pass, qui fait partie du partenariat historique de la ligue avec Apple, est la grande nouveauté de 2023 et permet aux fans de plus de 100 pays de regarder en direct ou en replay les rencontres du championnat. Avec ce contrat de 10 ans signé avec Apple à hauteur de 2,5 milliards, la MLS recevra ainsi près de 300 millions de dollars par saison, alors que la ligue gagnait en moyenne 90 millions de dollars annuels avec ses précédents accords de 8 ans avec Fox, ESPN et Univision. Le championnat américain a également prolongé sa collaboration avec la marque allemande adidas d’une valeur de 830 millions de dollars sur les six prochaines années, soit jusqu’à la saison 2030 selon les médias américains. Le nombre de fans de football aux États-Unis a augmenté de près de 30% d’une année sur l’autre en 2022, et tout le monde s’attend à des chiffres encore plus importants alors que les États-Unis, le Mexique et le Canada se préparent à coorganiser la Coupe du Monde 2026. Quelques 26 millions de téléspectateurs américains ont regardé la finale de la Coupe du Monde 2022 en décembre, devenant la finale la plus regardée de l’histoire. Le match du Los Angeles Galaxy contre le Los Angeles FC au Rose Bowl Stadium le 4 juillet dernier a établi un nouveau record de fréquentation pour la MLS avec une foule de 82 110 fans.

Source: https://www.footmercato.net/

By Albert C. Diop

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