Le sultan de Sokoto (au centre à droite), accompagné par le chef de la maison ancestrale Ooni d’Ife Adeyeye Ogunwusi (au centre à gauche) après avoir rencontré le Prince Charles à Abuja, au Nigeria, le 6 novembre 2018.
Afolabi Sotunde/Pool via AP
Une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest est au Niger depuis le 2 août pour “négocier” avec les putschistes. Cette délégation est menée par un ex-président nigérian et compte dans ses rangs un leader religieux de premier plan.
Un ex-président nigérian et un leader religieux peuvent-ils négocier avec les putschistes au Niger ? Le 2 août 2023, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a envoyé une délégation à Niamey, afin de discuter avec les militaires à l’origine du coup d’État du 26 août.
Quel est l’objectif de la médiation de la Cédéao ?
- Les médiateurs de la Cédéao doivent évoquer les points de crispation avec les putschistes nigériens.
- La libération du président Mohamed Bazoum, séquestré depuis le coup d’État, est au centre des discussions.
- La Cédéao a déjà lancé un ultimatum d’une semaine pour rétablir l’ordre constitutionnel et a suspendu ses transactions financières avec le Niger.
- « L’option militaire est la toute dernière option sur la table, le dernier recours, mais nous devons nous préparer à cette éventualité« , déclarait le 2 août le commissaire de la Cédéao chargé des Affaires politiques et de la Sécurité Abdel-Fatau Musah.
L’ex-président du Nigeria, le général Abdulsalami Abubakar, mène cette délégation. Il est accompagné du sultan de Sokoto au Nigeria, Muhammadu Sa’adu Abubakar. Selon la revue Africa Intelligence, il doit agir en tant que médiateur principal. Il s’agit de “l’un des chefs religieux et les plus respectés du Nigeria, et il a de très bonnes relations dans l’extrême nord du pays”, analyse la revue.
Un leader religieux comme médiateur
Âgé de 66 ans, Muhammadu Sa’adu Abubakar III est devenu sultan de Sokoto après la mort de son frère en 2006. Il est le chef spirituel de l’ordre soufi de la Qadiriya, ce qui en fait le plus haut dignitaire islamique sunnite au Nigéria. Le soufisme est une tradition ésotérique et mystique de l’Islam, visant à se rapprocher du Créateur par la voie de la spiritualité. Il est également le président du Conseil suprême des affaires islamiques, un organisme chargé de coordonner les affaires de l’islam au Nigeria. C’est cette organisation qui est responsable chaque année de faire l’annonce du début et de la fin du Ramadan.
L’empire de Sokoto s’étendait jusqu’au Cameroun, au Burkina Faso et au Niger, du début du XIXe siècle jusqu’à la conquête européenne.
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Le califat de Sokoto est un royaume traditionnel peul fondé au début du XIXe siècle. Il s’étendait jusqu’au Burkina Faso et au Cameroun, mais aussi au Niger. De ce fait, l’influence du sultan de Sokoto dépasse les frontières de son pays.
Un ex-président nigérian à la tête de la délégation
- Abdulsalami Abubakar, âgé de 81 ans, était président du Nigeria de mai 1998 à juin 1999.
- À ce moment, il remet le pouvoir aux civils en organisant des élections multipartites.
- Olusegun Obasanjo, son successeur, est élu démocratiquement.
- Auparavant, Abdulsalami Abubakar a effectué une longue carrière militaire dans les années 1960.
- Il est actuellement président du Comité national pour la paix, chargé de veiller au bon déroulement des élections dans son pays.
Avec le cardinal John Onaiyekan, archevêque émérite d’Abuja, Muhammadu Sa’adu Abubakar III est co-président de l’Association nigériane d’action interconfessionnelle. Les liens entre les deux hommes ne se limitent toutefois pas uniquement à cette association. Le sultan de Sokoto contribue aux projets du cardinal, comme la publication d’un livre sur les mouvements interreligieux en Afrique. Cela peut être considéré comme une manière d’étendre son influence au-delà de sa communauté religieuse.
Par ailleurs, le sultan de Sokoto était militaire avant d’exercer ses fonctions religieuses. Avec l’armée nigériane, il a participé à de nombreuses opérations notamment au Tchad ou en Sierra Leone en 1975, jusqu’en 1996. Cette année-là, il quitte son rôle d’attaché militaire du Nigeria au Pakistan. Cette expérience, en plus de son leadership religieux dépassant les frontières de son pays font du sultan de Sokoto un interlocuteur de choix dans la médiation de la Cédéao au Niger.