Le mode d’organisation du scrutin, qui se déroule samedi, favorise l’actuel chef de l’Etat, en lice pour un troisième mandat.
Un scrutin à huis clos, sans observateurs internationaux ni journalistes étrangers, doit se tenir au Gabon, samedi 26 août. « C’est de très mauvais augure pour la crédibilité de cette élection, s’inquiétait, quelques jours plus tôt, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, vice-président de l’Union nationale, un parti d’opposition. Le fait que les journalistes n’obtiennent pas d’accréditation et que les demandes des différentes ambassades n’aboutissent pas prouve bien que les conditions ne sont pas réunies pour une éventuelle alternance. » Au pouvoir depuis quatorze ans, Ali Bongo Ondimba, 64 ans, brigue un troisième mandat à la tête de cet Etat pétrolier considéré parmi les plus riches d’Afrique.
Le nom de son principal opposant a été dévoilé seulement huit jours avant le vote. Albert Ondo Ossa, 69 ans, a été désigné vendredi 18 août par des candidats ayant rejoint la plate-forme Alternance 2023 (A23), créée dans le dessein de rassembler l’opposition et d’éviter l’éparpillement des suffrages. Au lendemain de sa désignation, Albert Ondo Ossa a lancé au pas de course sa campagne à travers son pays, grand comme la moitié de la France et peuplé d’environ deux millions d’habitants. « Le train du changement est en marche, notre nombre sera notre force… Je n’ai pas peur, n’ayez pas peur », a-t-il martelé au cours de ses meetings.
L’ancien ministre de l’éducation et de l’enseignement supérieur (2006) d’Omar Bongo Ondimba, père du président sortant, a été choisi, après d’âpres négociations, parmi plusieurs leaders de l’opposition, comme Alexandre Barro Chambrier (Rassemblement pour la patrie et la modernité) et Paulette Missambo (Union nationale). Tous les candidats de la plate-forme A23 se sont engagés à retirer leur candidature à ce scrutin à un tour, pour lequel ils seront treize au départ. « Albert Ondo Ossa n’est pas le poids lourd attendu, reconnaît Jean Gaspard Ntoutoume Ayi. Il ne faut pas le voir comme un candidat par défaut, mais comme celui du consensus. Cet homme de principes et de valeurs est celui qui nous réunit le plus et nous divise le moins. »
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Mais un changement dans le mode de scrutin fait débat. L’opposition reproche au pouvoir d’avoir instauré en juillet un bulletin unique pour la présidentielle et les législatives. Dans les faits, l’électeur votant dans sa circonscription pour le candidat à la députation d’un parti votera automatiquement pour le candidat à la présidence de ce parti, et inversement. Des recours ont été déposés devant la Cour constitutionnelle pour dénoncer la « non-séparation des pouvoirs », mais ils n’ont pas abouti. « Cette modification viole la liberté de choix des électeurs », déplore François Ndong Obiang, membre de la plate-forme A23, car elle « cache une idée perfide, faire profiter Ali Bongo des suffrages des candidats de son parti aux élections législatives ».
En 2016, 5 500 voix d’avance
Albert Ondo Ossa étant indépendant, il ne s’appuie sur aucun organe politique reconnu, et le bulletin à son nom ne mentionne aucun candidat aux législatives. Ses électeurs ne donneront donc leur voix à aucun député. Le candidat de l’opposition a assuré qu’il entamerait des recours et provoquerait la dissolution de l’Assemblée nationale s’il était élu.
Le puissant Parti démocratique gabonais (PDG) et ses alliés règnent aujourd’hui presque sans partage sur le Parlement. Elu pour la première fois en 2009 après la mort de son père, qui dirigea le pays pendant plus de quatre décennies, Ali Bongo Ondimba a été réélu de justesse en 2016, avec un taux de participation relativement faible (59 %) et au terme d’un scrutin très contesté face à Jean Ping. Son résultat dans le Haut-Ogooué, fief rural des Teke, la communauté dont il est issu, avait notamment fait naître de sérieux doutes : la participation avait atteint 99,93 %, et il l’avait emporté avec 95 % des suffrages.
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Ali Bongo Ondimba s’était finalement imposé avec 5 500 voix d’avance sur Jean Ping, derrière lequel une frange de l’opposition s’était ralliée seulement deux semaines avant le vote. L’annonce des résultats avait provoqué des violences, faisant au moins cinq morts selon le gouvernement, et une trentaine d’après l’opposition. L’Assemblée nationale avait été incendiée.
Disposant d’importants moyens financiers, Ali Bongo Ondimba, victime d’un accident vasculaire cérébral en octobre 2018, dont il a gardé des séquelles physiques, mène campagne à travers le pays depuis plusieurs semaines. « Le bilan de son second mandat est un échec, déplore Mays Mouissi, analyste économique et auteur d’un rapport sur l’action du gouvernement gabonais, intitulé « 105 promesses, 13 réalisations ». Le taux de pauvreté et le chômage des jeunes ont augmenté, et les conditions de vie se sont largement dégradées. Comparativement à la dernière élection, les électeurs peuvent cette fois lui reprocher beaucoup d’erreurs, et l’opposition peut en profiter. Mais les conditions qui prévalent avant le vote font naître de sérieux doutes sur la transparence du scrutin. »