lequotidien.sn Région minière du Sénégal, Thiès connaît un nombre important de sites d’exploitation de mines et de carrières. Des industries extractives qui ne sont malheureusement pas sans effet sur l’environnement et la santé des habitants. Les populations riveraines des Ics et d’autres unités industrielles ont du mal à supporter cette cohabitation. Dernièrement, une série de fuites d’acide sulfurique a provoqué la colère des populations des villages environnants, qui sont descendues en masse dans la rue ce mercredi.


Ce mercredi 25 octobre 2023, les populations des communes de Mboro et Darou Khoudouss, situées dans le département de Tivaouane, sont encore sorties dans la rue pour exprimer leur angoisse suite aux supposées émanations de gaz échappées des Industries chimiques du Sénégal (Ics). Elles se seraient produites en septembre dernier, envahissant les villages environnants, ce avec des dégâts collatéraux énormes, éprouvant la végétation, les cultures des paysans et la santé publique. De vives tensions ont éclaté pour décrier le mutisme des autorités administratives compétentes et des responsables des Ics suite à ces fuites de gaz toxique ayant détruit des champs dans la zone. Des jeunes et des femmes encagoulés, très en colère, armés de gourdins et de pierres, sortis en masse dans la rue pour demander réparation, ont bloqué l’entrée principale de la mine et fait irruption dans l’usine. Ils ont tout détruit sur leur passage, exigeant de la société minière la prise en charge de leurs préoccupations. Les terres des cultivateurs sont expropriées, des produits toxiques déversés dans certaines zones. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Des populations qui exigent de l’entreprise minière le respect des engagements d’indemniser les impactés suite à ces fuites de gaz qui ont impacté la santé des populations, des animaux et causé la détérioration des végétaux. La situation était incontrôlable, avec des cultivateurs manifestants venus de Ndomor, Darou Khou­douss, Mboro et environs, qui ont barré la route, pris le contrôle de l’entrée des Ics, mis le feu à la célèbre Cité Taïba et le poste de garde, face à un important dispositif de Forces de défense et de sécurité dépêché sur place, mais visiblement débordé. Les contestataires, qui réclament des indemnisations de la part des Industries chimiques du Sénégal, déplorent «les nombreux cas de toux, de diarrhée, des maux de ventre, des aggravations de maladies comme l’asthme et la sinusite, enregistrés auprès des populations».

Quand la chimie détruit l’agriculture et les villages
Première région minière du Sénégal, Thiès abrite l’une des plus anciennes industries du pays : les Ics. A une vingtaine de kilomètres alentour, les populations sont sévèrement touchées. Délocalisation, déversement de soufre sur la voie publique, rejet d’acide en mer et fuites de gaz sont le lot des habitants de la zone. Ce cultivateur de Darou Khoudouss, lui, se veut catégorique : «Les paysans n’ont que leurs yeux pour pleurer le désastre provoqué dans les champs.» Une situation longtemps dénoncée par les responsables de la plateforme citoyenne Mboro Sos : «Ces échappées de gaz ont méchamment agressé l’environnement immédiat et lointain de la concession minière, entamant sérieusement la santé d’une bonne partie de cette population.» Les conséquences sont désastreuses : «Plusieurs champs ont-ils vu leurs plantations être détruites par les effets nocifs de ce produit, et leurs pauvres propriétaires, qui tirent un bilan déficitaire presque à chaque saison, ne savent où donner de la tête.» Ainsi, la plateforme mar­que sa compassion à l’endroit de toutes les populations «exposées à des toux et diarrhées, surtout aux asthmatiques et patients atteints de sinusite dont les pathologies ont été sévèrement aggravées par ce dégagement de gaz d’un degré de toxicité inquiétant».

Conséquences
Sous ce rapport, la plateforme citoyenne Mboro Sos, depuis très longtemps, rappelle à la Direction des Ics «l’obligation qui pèse sur elle de respecter scrupuleusement les mesures environnementales en cas de dégagement ou de fuite de gaz». Les populations ne manquent pas de placer les autorités étatiques devant «leurs responsabilités» et insistent, à nouveau, sur «l’affûtage des moyens de contestation et de dénonciation du fait du niveau d’insensibilité affligeant de la Direction de cette entreprise», plutôt soucieuse de ses «obligations de production», quels qu’en soient les moyens, «que du bien-être de ses travailleurs et de la population environnante». Elles interpellent les ministères de l’Environnement et de la Santé sur la «situation» et demandent «une enquête indépendante sur la qualité de l’air, de l’eau, les impacts sur la flore, la faune et les personnes».

Face à cette situation «lourde de conséquences à la fois environnementales, sanitaires et économiques pour la population», ces habitants des communes de Mboro et Darou Khou­douss se désolent encore du «mutisme de certaines autorités» et exigent, de la part des Ics, «un dédommagement des paysans à la hauteur de l’ampleur du préjudice subi et la prise en charge de tout cas sinusoïdal et d’asthme».

Un week-end de panique à Mboro, Darou Khoudouss, Tivaouane et
environs
Une odeur de soufre inquiétante brouilla l’atmosphère, ce jour de samedi 30 janvier, au niveau des localités de Mboro, Darou Khoudouss, Tivaouane et environs. Le déversement du souffre (un produit qui entre dans la composition de l’acide sulfurique) sur la voie publique par le service de transport et d’exploitation des Industries chimiques du Sénégal (Ics) agresse de manière impitoyable l’environnement des communes de Dakar, Thiès, Mboro, Darou Khoudouss, entre autres. Les populations riveraines dénoncent «la destruction du cadre de vie, la pollution de l’air, l’absence de végétation, la disparition de certaines espèces animales et l’assèchement des arbres, les stigmates des nuisances environnementales dues aux différentes rotations des convoyeurs de ce produit toxique, dangereux, acheminé par un système de transport ina­déquat, défaillant, déversé à l’air libre par une industrie capitaliste, qui ne respecte aucune norme réglementaire du Code de l’environnement».

Trois chefs de village et Cheikh Top, responsable des jeunes, arrêtés
Parce qu’elles s’opposaient à la «puissance» des autorités qui les obligent à céder, dans la douleur, leurs terres aux Industries chimiques du Sénégal, les populations du village de Tobéne et environs, dans la commune de Méouane (département de Tivaouane), ont subi, un mercredi 12 août, la «rigueur» des Forces de l’ordre. Parmi elles, trois chefs de village et le responsable des jeunes de la localité, Cheikh Top, ont été arrêtés par les éléments de la Compagnie de gendarmerie de Tivaouane. Devant la détermination des autorités compétentes à les forcer à céder leurs terres aux Industries chimiques du Sénégal, les habitants du village de Tobéne et environs, refusant une «colonisation de notre localité», resteront catégoriques : «Tant qu’il nous restera un souffle de vie, nous allons nous battre. Quitte à ce qu’ils marchent sur nos cadavres.» Ces populations, qui s’opposent avec fermeté à la «délimitation préjudiciable» de six autres hectares sur leurs terres, disent s’être réveillées ce matin-là dans la stupeur en constatant que les Forces de l’ordre avaient assiégé leurs champs. Ce, pour permettre à la Commission départementale d’évaluation des impenses de procéder à la délimitation des six ha en question et au travail parcellaire, ainsi qu’à l’évaluation des champs devant permettre la fixation des barèmes d’indemnisation.

Pourtant, quelques deux semaines auparavant, le ministère de l’Intérieur avait convoqué une rencontre de crise réunissant toutes les parties prenantes, à Méouane, au cours de laquelle il avait invité les autorités des Industries chimiques du Sénégal (Ics) à revoir le barème d’indemnisation jugé dérisoire. Mais en vain ! Les Ics, aujourd’hui, semblent plus que jamais décidées à «exproprier» les terres de ces populations aux fins de les exploiter. A l’époque, les paysans de Tobéne ont jugé nécessaire d’interpeller, à temps, le Président Macky Sall, avant, craignent-ils, que «le pire ne se produise».

Les populations impactées rejettent le taux
d’indemnisation proposé par les Ics
Avec l’échec des négociations entre les Industries chimiques du Sénégal (Ics) et les populations de Tobène impactées par ce projet d’extension, la Force pour le développement (Fdp) de la commune de Méouane (82 villages), en collaboration avec toutes les associations citoyennes du département de Tivaouane, avait dit «Non» au barème que les Industries chimiques du Sénégal (Ics) leur proposent pour exploiter leurs terres. Ces populations des villages impactés jugent dérisoire l’indemnisation d’1 million 50 mille F Cfa par hectare que les Ics veulent leur donner. Elles estiment que ce n’est pas proportionnel à leurs ressources. Elles trouvent «in­croyable qu’on puisse détourner un paysan de sa source de subsistance et de survie, ses terres qu’il exploite depuis plus d’un siècle, avec un barème aussi dérisoire et insignifiant par rapport aux préjudices subis». Selon elles, «étant donné que nos arbres et nos plantes sont ravagés en grande partie par les Ics, nous réclamons une indemnisation de 20 millions de F Cfa par hectare et non par dénombrement». Et toutefois, de préciser : «nous ne refusons guère de céder les terres, mais il faut un barème d’indemnisation équitable, qui sera à la hauteur des dégâts collatéraux que les Ics infligent aux populations riveraines», notamment «la pollution permanente, extrêmement inadmissible, qui affecte gravement les populations, la faune et la flore». Cette pollution, fustigent les impactés, «est émaillée d’injustice inouïe et inédite».

Santé et environnement
Les informations contenues, dans un passé récent, dans le rapport que Daouda Samba, l’infirmier-chef de poste de Taïba Ndiaye, avait remis aux autorités locales, étaient des plus alarmantes : «Sur les 214 personnes consultées durant les deux jours qui ont suivi l’incident, 60% souffrent de douleurs thoraciques et sont sujettes à des toux persistantes. Des cas de troubles de la vision ont été décelés, ainsi que des douleurs épigastriques, des céphalées, des maux de tête. Sans compter les cas de diarrhées et de vomissements chez les enfants de moins de 5 ans.» Quid, avait-il poursuivi, de la récurrence des infections respiratoires aigües et des cas d’avortement spontané, et de la mortalité néonatale. L’environnement ne se porte pas mieux. La faune et la flore subissent les effets de cette pollution. Demba Diouf Fall, Point focal de la coalition «Pu­bliez ce que vous payez», écrit de manière catégorique à ce sujet : la pollution avait détruit les exploitations agricoles des villages environnants. Pis, l’élevage est presque inexistant. «Nous ne pouvons plus élever. Il n’y a plus de poules, encore moins de coqs qui traînent dans le village. Ces espèces meurent comme des mouches à cause de la pollution», note-t-il.

Ce constat sera largement partagé par Gorgui Kâ, chargé des relations externes de l’association Paix et solidarité Mboro-Khondio. Il considère simplement que son village, Khondio, est devenu un «enfer terrestre». Pour lui, «malgré le déficit d’études d’impact des Ics sur l’environnement de Mboro et des villages environnants, il est évident que sa présence dans ce milieu est source de diverses nuisances». En effet, avait-il remarqué, de grandes quantités de résidus d’acide sulfuro-phosphatique, appelés «jus fluo», sont déversées à la mer et sur la plage de Khondio. Ces résidus sont visiblement un danger pour la santé humaine et animale en raison de la pollution de l’environnement et des infiltrations de la nappe phréatique.
Par Cheikh CAMARA

By Albert C. Diop

HBodiel