Si le déroulé du processus électoral a provoqué un gros malaise entre la classe politique et le Conseil constitutionnel, c’est Macky Sall qui s’est retrouvé dans une position inconfortable. Il va devoir trouver la bonne formule en tentant de recoller les morceaux avec un dialogue qui n’emporte pas l’adhésion de tout le monde. Comment créer un consensus fort dans ces conditions ? Ou faut-il garder le statu quo ? Questions pour un Président.
Par Bocar SAKHO – Ce lundi, le Sénégal aurait dû se réveiller avec un Président élu ou avec deux candidats qualifiés pour le second tour de la Présidentielle. Elle avait été programmée ce 25 février, mais cela restera un rendez-vous manqué. Car l’accroc du 3 février a suspendu tout le processus, contribuant à élargir une blessure politique. Pour l’instant, il faut y appliquer avec soin un sparadrap pour tenter de la refermer.
Comment sortir de cette impasse politico-institutionnelle ? Le Président Sall pense qu’on pourra reconstruire l’architecture électorale à travers un dialogue prévu ce lundi au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio. Au bout des débats, il sera fixé demain une nouvelle date pour le premier tour de la Présidentielle. Puis le dernier mot reviendra au Conseil constitutionnel, qui avait acté l’impossibilité d’organiser le scrutin le 25 février.
Aujourd’hui, c’est pourtant loin d’être de simples évidences. Avec un pays divisé en proportions électoralistes, la ligne de démarcation est nette avec des positions figées. Les 16/19 candidats déclarés par le Conseil constitutionnel ont décidé de zapper le rendez-vous présidentiel. Pour maintenir ouvert le canal de la discussion, le chef de l’Etat a décidé de les recevoir ce lundi matin. Puis, il s’entretiendra avec ceux qui se disent spoliés durant la même matinée. Dans un communiqué, les 16 ont réitéré leur non : «Lundi, nous n’irons à son dialogue. Nous irons au Conseil constitutionnel pour déposer une requête afin de faire constater sa carence et le forcer à agir avec diligence pour choisir une date. Ensuite, nous irons dialoguer avec le Peuple, seul souverain. Tout le reste est diversion.» Vu les antagonismes, les pressions, les ambitions et les agitations, Macky Sall marche délicatement sur une crête. Avant même le début de ce troisième dialogue de son deuxième mandat, il lui sera compliqué d’obtenir un consensus pour fixer une nouvelle date pour le scrutin. Sans un consensus et l’adhésion des candidats retenus, Macky Sall devra à nouveau ressentir le poids de ses responsabilités présidentielles : décider seul. Comme le 3 février ! Dans ce moment de solitude, le chef de l’Etat sera contraint de reprendre de l’altitude pour prendre la bonne décision. Est-il possible de fixer la date du 1er tour avant le 2 avril en respectant les exigences du Code électoral (durée de la campagne, délai des contentieux…) ? Et continuer la suite en cas de second tour après le 2 avril ? Sera-t-il choisi pour assurer quelques semaines de transition ? Ou faut-il tout reprendre à zéro en organisant des élections inclusives comme le réclament certains candidats spoliés ? Quel sera le fondement de cette refonte totale du processus électoral ?
A ce stade des contradictions et divisions, aucune décision ne contentera tout le monde. A 35 jours de la fin de son mandat, le Président Sall, englué dans une situation inédite, devra, comme un chercheur de métal précieux, creuser en profondeur pour sortir de ce labyrinthe. Sans fil d’Ariane, il risque de s’y perdre…
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