Lequotidien 

Le ministre de la Communication, des télécommunications et du numérique a publié hier une liste «provisoire» réduisant drastiquement le nombre de médias légalement reconnus au Sénégal. Sur 380 entreprises enregistrées, seules 112 sont jugées conformes au Code de la presse, selon Alioune Sall. Pour Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), il s’agit d’un «abus de pouvoir manifeste».

Par Ousmane SOW – Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) a, après la publication provisoire de la liste des médias enregistrés sur la plateforme Déclaration médias Sénégal (Dms) et «reconnus» par le ministère de la Communi­cation, des télécommunications et du numérique, organisé sa riposte. Pour Mamadou Ibra Kane, président du Cdeps, cette annonce marque une atteinte grave à la liberté de la presse. Lors d’un point de presse, il a dénoncé une démarche du ministre Alioune Sall qu’il juge non seulement «illégale», mais aussi «arbitraire et contraire aux principes fondamentaux de la démocratie sénégalaise». «Ce 2 décembre 2024 est une date macabre pour la liberté de la presse au Sénégal. Toutes les appréhensions que nous avions depuis maintenant plus de 8 mois du nouveau régime de Bassirou Diomaye Faye, se justifient aujourd’hui. Nous sommes scandalisés, abasourdis par les déclarations du ministre de la Communication du gouvernement», a déclaré le président du Cdeps. Mamadou Ibra Kane de souligner que le communiqué de la conférence de presse du ministre avait pour but de donner une liste d’entreprises de presse qui auraient le droit d’exercer sur le territoire sénégalais.

 Sur 380 demandes, 112 validées par le ministre de la Communication : Le Quotidien, 7Tv, Sen Tv, L’As… parmi les médias exclus

«Sur 380 entreprises enregistrées, seules 112 sont jugées conformes au Code de la presse. Le grand problème dans la démarche du ministre Alioune Sall, c’est qu’il s’est totalement fourvoyé en ce sens que ce n’est ni au ministère de la Communication ni à une quelconque autorité administrative de donner une autorisation pour la création d’une entreprise de presse, à fortiori de valider son existence légale», a-t-il martelé, rappelant que l’’article 11 de la Cons­titution garantit la liberté de création d’une entreprise de presse sans autorisation préalable. Selon le patron du quotidien Stades dont la parution a été suspendue en raison de difficultés économiques, Alioune Sall a mal interprété l’article 94 du Code de la presse, se drapant d’un pouvoir qui ne lui revient pas.

Editorial – Au bourreau des médias, Alioune Sall, faites moins dans le ridicule et l’arbitraire (par Serigne Saliou Diagne)

«Ce n’est pas du ressort du ministre de la Communication, du gouvernement de manière générale, de valider l’existence d’un média au Sénégal. Cette mauvaise compréhension de la part du ministre permet d’avoir une illusion de pouvoir museler la presse sénégalaise. N’importe qui peut comprendre que ces actes-là sont totalement illégaux et ne sont conformes ni à la Constitution du Sénégal ni au Code de la presse», a-t-il fait savoir.

«Nous allons attaquer cette décision pour abus de pouvoir»
Cependant, dans cette bataille où l’ultimatum des 72 heures pour se régulariser se conjugue à la résistance, la liberté de la presse joue sa survie. Et pour Mamadou Ibra Kane et la patronne de la chaîne de télévision privée 7Tv, Maïmouna Ndour Faye, le combat ne fait que commencer. «Ce n’est pas par une simple note qu’on va nous rayer de la carte. Il y a un agenda qu’ils sont en train de dérouler. Mais c’est peine perdue. Nous allons attaquer cette décision pour abus de pouvoir. Et rien ne peut nous ébranler. Ce combat, on va le mener. Cette tentative de museler la presse ne passera pas», a-t-elle martelé.

Lire la chronique – Cultiver enfin la transparence

A l’en croire, cette décision s’inscrit dans une série de manœuvres visant à asphyxier les mé­dias. «Ce projet est sournois. Blocage des comptes bancaires, annulation des contrats avec l’Etat, gel des paiements… et maintenant, ça. Mais qu’ils sachent que nous ne céderons pas», a promis Maïmouna Ndour Faye dont l’absence sur cette liste a provoqué une vague de questionne­ments. «C’est quoi la non-conformité ? Pourquoi des médias de référence sont-ils visés ? Le Quotidien, 7Tv, la Sen Tv…» Pour elle, cette sélection est tout sauf inno­cente. «Ils veulent des caisses de résonance dociles. Nous ne le sommes pas. Et nous nous battrons. Nous ne pouvons pas être contre la régularisation du secteur. Le secteur a besoin d’être régulé. Mais, nous voulons comprendre sur quelle base cette conformité a été établie», s’est-elle interrogée. Très en verve, elle met en garde le Conseil pour l’observation de l’éthique et de la déontologie (Cored). «Que le Cored prenne ses responsabilités. Et je demande à Mamadou Thior de ne pas être complice de ce meurtre», a-t-elle averti.

By Albert C. Diop

HBodiel