Coup de tonnerre dans le secteur de la Santé / Le directeur de l’INHV annonce sa démission [La lettre de démission]

EN BREF | #Cridem – « Par la présente, je vous adresse ma démission de ma fonction de directeur de l’INHV. »

C’est un coup de tonnerre qui a frappé le secteur de la santé en Mauritanie, ce mardi 4 mars 2025, avec la démission du directeur général de l’Institut National d’Hépato-Virologie (INHV) de Nouakchott. CRIDEM publie l’intégralité de la lettre de démission du Pr Moustapha MOHAMEDOU MOUNAH qui a largement circulé sur les réseaux sociaux.

Une lettre signée et cachetée en date du 4 mars 2025.

« Par la présente, je vous adresse ma démission de ma fonction de directeur de l’INHV. Après de nombreuses alertes sur la détérioration de la situation de l’établissement et malgré mes multiples démarches qui durent depuis trois ans pour tenter d’améliorer la situation, je me vois contraint de prendre cette décision afin de préserver mon intégrité professionnelle et morale.

L’INHV dont la mission est de prendre en charge l’une des pathologies les plus graves qui touchent notre pays rencontre d’énormes difficultés qui ont conduit à l’arrêt de l’activité de la quasi-totalité des services. Les équipements sont vétustes, les stocks de médicaments sont insuffisants et le personnel médical est dépassé par la charge de travail. Cette situation compromet gravement la qualité des soins prodigués aux patients et met en péril leur santé.

Les retards de salaires du personnel de l’hôpital sont devenus récurrents, ce qui engendre une grande précarité financière pour les employés et nuit à leur motivation et à leur engagement professionnel. Cette situation est inacceptable et démontre l’absence de considération des autorités compétentes pour le personnel soignant qui œuvre pour le bien-être des patients.

Je vous rappelle que l’hépatite virale B est une maladie grave qui touche un demi-million de nos compatriotes tous susceptibles d’évoluer vers le cancer du foie qui est mortel.

Dans chaque famille de notre pays il ya au moins une personne atteinte.

Une stratégie globale de lutte contre l’hépatite B a été élaborée en 2014 à la création de l’INHV mais restée lettre morte.

Il en est de même des recommandations de la société mauritanienne des maladies de l’appareil digestif (SOMMAD) élaborée en 2018 par une équipe compétente de gastroentérologues; document de grande valeur malheureusement ignoré par les autorités compétentes.

L’INHV a initié sur le plan pratique la mise en place en 2022 (à la polyclinique de Nouakchott et à Toujounine) de deux unités pilotes de dépistage et de vaccination des adultes à Nouakchott; unités actuellement fermées faute de moyens.

Trois missions ont également été effectuées à l’intérieur du pays; elles ont permis le dépistage de trois milles personnes. Ces missions ont eu lieu entre septembre 2022 et janvier 2023 dans les régions du Hodh chargui, de l’Assaba et Dakhlet Nouadhibou. Elles ont permis d’avoir une idée sur la prévalence de la maladie qui reste élevée surtout au Hodh Chargui où elle est de 15%.

Au cours de ces missions, 2426 personnes adultes ont été protégées par la vaccination. L’INHV n’a pu poursuivre cette activité faute de moyens disponibilisés par le ministère. Nous avons également établis des conventions avec L’APHP (assistance publique des hôpitaux de Paris) pour la formation de nos chirurgiens, endos copistes, réanimateurs et radiologues. Convention qui survit pour le moment grâce à la coopération monégasque que nous remercions.

Des discussions ont été entamées avec l’institut de santé publique (ICAP) de COLUMBIA UNIVERSITY en 2019 pour la mise en place et l’exécution d’un programme d’éradication de l’hépatite B en Mauritanie avant 2030 (objectif de L’OMS).

Ce programme n’a pu voir le jour par défaut de mobilisation de la participation de la Mauritanie. Participation d’un montant de cent milles dollars soit quarante millions d’anciennes ouguiyas sur un total d’une dizaine de millions de dollars qui devaient être mobilisés par ICAP.

J’ai personnellement sollicité le patronat mauritanien en présence du Directeur des maladies transmissibles de notre ministère et d’un représentant de L’OMS.

Au cours de cette réunion j’ai eu à présenter l’intérêt majeur de ce programme pour la santé de notre pays. Malgré la modicité de la somme requise le patronat n’a pas réagi.

Une autre convention a également été entamée avec un centre de recherche espagnol (l’un des meilleurs actuellement) sur l’immunothérapie du cancer du foie ce qui était une grande opportunité pour nos patients. La participation demandée à notre pays à ce programme était de 25.000 (vingt cinq milles euros) soit environ 12 millions d’anciennes ouguiyas.

Cette convention n’a pas pu voir le jour par défaut de participation de notre pays.

Malgré mes efforts; ceux de mes collègues et les différents courriers du conseil d’administration pour alerter les autorités sanitaires sur ces problèmes et pour trouver des solutions, je me heurte à un manque de soutien et de moyens financiers qui rendent impossible toute amélioration significative de L’INHV.

Au contraire, nous assistons à une réduction de la subvention d’état et je n’en veux pour preuve que celle de 60 Millions MRO (destinée aux réactifs de laboratoires pour le Diagnostic et la prévention des hépatites) sur la subvention de 2025.

Cette restriction a eu lieu en 2023 et après plusieurs interventions tant aux ministères de la santé et des finances qu’à l’Assemblée Nationale elle a été rétablie en 2024 pour réapparaitre en 2025.

Enfin Monsieur le ministre il est inutile de vous rappeler en tant qu’autorité responsable de la santé de nos compatriotes que l’hépatite B chez l’adulte reste grave et constitue un problème majeur de santé publique dans notre pays avec un taux de prévalence pouvant atteindre 15% dans certaines de nos régions. Ce taux est inacceptable et reste l’un des plus élevés au monde.

Enfin, l’éradication de l’hépatite B avant 2030 qui est l’un des objectifs de l’OMS, si elle nécessite aussi bien des moyens financiers et humains appelle surtout à un véritable LEADERSHIP. C’est dire que dans ces conditions, je ne peux plus assumer mes fonctions de directeur et je préfère me retirer afin de ne pas être complice de cette situation critique.

Je reste néanmoins à votre disposition pour toute information complémentaire ou pour faciliter la transition vers la nomination d’un nouveau directeur. Je tiens à remercier pour la confiance qui m’a été accordée et je reste convaincu que des solutions pourront être trouvées pour redresser la situation de cette structure majeure dans notre système de santé.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.

Pr Moustapha MOHAMEDOU MOUNAH

Le Directeur de l’INSTITUT NATIONAL D’HEPATO VIROLOGIE »

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Source : Rédaction Cridem

By Albert C. Diop

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