
Dans le but d’instaurer une stabilité sociale propice à une économie compétitive, à la promotion du travail décent productif, l’Etat et les partenaires sociaux ont signé un Pacte de stabilité d’une durée de 3 ans. Dans ledit document, les différentes parties ont fait part de leurs attentes et ont pris des engagements.Par Dieynaba KANE
– L’Etat, le patronat et les centrales syndicales ont signé, le 1er mai, un Pacte de stabilité sociale. Cet instrument a pour objectif «de contribuer à l’instauration d’une stabilité sociale propice à une économie compétitive, à la promotion du travail décent productif et à l’équité sociale». De manière plus détaillée, les artisans de ce pacte veulent «promouvoir des mécanismes de dialogue social et de négociation collective, favoriser une gouvernance participative et inclusive, garantir les droits et libertés des travailleurs». Dans le document, les différentes parties ont fait part de leurs attentes et ont pris des engagements. Ainsi, de manière générale, les organisations syndicales de travailleurs attendent du gouvernement et des employeurs, «le respect des droits et libertés syndicaux, le respect des accords signés entre le gouvernement et les syndicats sectoriels, l’accélération du processus de délivrance des récépissés de reconnaissance syndicale». Au titre de la sécurité de l’emploi, les représentants des travailleurs souhaitent «le règlement des droits des travailleurs des entreprises liquidées, la réintégration des travailleurs licenciés dans les ministères et dans le secteur parapublic, la réinsertion ou, à défaut, l’accompagnement des ex-travailleurs des Eléments français au Sénégal». S’agissant du système de rémunération, il est attendu «la correction des disparités dans la rémunération des agents de la Fonction publique, le paiement des arriérés de salaires dans le secteur public, la généralisation de l’indemnité de logement à tous les agents de la Fonction publique». Pour ce qui est des réformes juridiques et institutionnelles, les syndicalistes attendent du gouvernement, «la réforme du cadre juridique du travail décent (Code du travail et Code de sécurité sociale, textes d’application), la suppression des équivalences dans la branche professionnelle de l’hôtellerie, la baisse de la fiscalité sur les salaires». Ils veulent aussi la favorisation d’une «croissance économique inclusive», une redistribution équitable des fruits de la croissance, la promotion de la création d’emplois décents et durables, le renforcement du partenariat public-privé, l’amélioration de l’environnement des affaires, de la qualité des services sociaux de base (éducation, santé, etc.). Au titre du pouvoir d’achat, il est attendu «la baisse des tarifs de l’eau, de l’électricité et du carburant». Il faut préciser que dans le document, chaque secteur a formulé ses attentes. Dans le Pacte de stabilité sociale, il est fait état des revendications des travailleurs des secteurs de l’éducation nationale, de la formation, de l’enseignement supérieur, de la santé, des collectivités territoriales, de la justice, entre autres.
Attentes du patronat : élargissement de l’assiette fiscale, paiement de la dette intérieure
Pour ce qui est des organisations d’employeurs, elles attendent du gouvernement et des travailleurs, «l’élargissement de l’assiette fiscale pour plus de civisme fiscal et d’équité fiscale pour tous les actifs citoyens, toutes les entreprises du secteur formel ainsi que du secteur informel, la prise d’un arrêté interministériel allégeant les charges fiscales dans le cadre des contrats de stage et d’apprentissage, la mise en place au niveau du ministère des Finances d’une «Cellule technique» d’accompagnement aux entreprises en difficulté, chargée d’examiner les demandes de report d’échéances fiscales, et le paiement des créances dues par le Trésor public sur la base de plans de restructuration viables et préservant des emplois». Elles souhaitent également «le paiement de la dette intérieure tous secteurs confondus». De même que «l’institution de concertations régulières entre le ministre des Finances et du budget et le secteur privé sur les échéances d’apurement de la dette intérieure, les ministres des départements sectoriels avec le secteur privé, le président de la République et le Premier ministre pour arbitrer les questions transversales impliquant plusieurs départements ministériels». Dans la même dynamique, le patronat souhaite «l’intégration des organisations d’employeurs les plus représentatives dans le Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz (Cos-Petrogaz) en tant qu’acteurs majeurs dans la création de richesses et d’emplois durables». Ainsi que «l’adoption d’une loi sur le Contenu local transversale et de portée générale, avec des déclinaisons sectorielles en promouvant des privés nationaux dans les secteurs stratégiques de croissance et de souveraineté économique, l’exclusivité des appels d’offres des travaux réalisés sur financement du Budget consolidé d’investissement (Bci) aux entreprises à capitaux nationaux, l’organisation de rencontres de partage avec le secteur privé national des projets phares de l’Agenda «Sénégal 2050»». Lesdites organisations ont aussi formulé des attentes concernant «la priorisation des projets et la mise en place d’instruments de réalisation et de suivi, la redynamisation au niveau de l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix) du groupe de travail public/privé sur le programme de réforme de l’environnement des affaires et de la compétitivité, la promotion de la productivité du travail, le soutien aux entreprises à travers les nouvelles politiques publiques, notamment sur la Commande publique, le dispositif de financement, le nouveau Code des investissements, le dispositif de structuration du secteur informel et des Pme, ainsi que la mise en œuvre efficace de la loi sur les Petites et moyennes entreprises et les startups».
Le gouvernement souhaite une trêve de 3 ans
De son côté, le gouvernement attend des partenaires sociaux, «l’instauration d’une stabilité sociale propice à l’atteinte des objectifs de la Stratégie nationale de développement 2025-2029 adossée à l’Agenda national de transformation «Sénégal 2050», en s’accordant sur une trêve sociale de trois (3) ans». A l’endroit des employeurs, il attend l’application des «dispositions du Code du travail et du Code de sécurité sociale, ainsi que de leurs textes d’application, notamment en : respectant les obligations de déclaration de leurs salariés au niveau des services du Travail et des institutions de prévoyance sociale, respectant les obligations de reversement des cotisations sociales des travailleurs, procédant au dépôt des bilans sociaux et des Déclarations annuelles sur la situation de la main-d’œuvre (Dasmo), organisant régulièrement les élections des délégués du personnel, assurant la protection sociale des travailleurs, la mise en place et le fonctionnement des comités de dialogue social». Les autorités veulent aussi que soit développée «la négociation collective d’entreprise», que soit acceptée «la renégociation des salaires catégoriels tous les cinq (5) ans», le respect des accords signés avec les travailleurs, entre autres. S’agissant des travailleurs, le gouvernement leur demande de comprendre «le contexte de renouveau et de réforme qui exige des sacrifices de la part de tous, de prendre en compte la situation des finances publiques et des contraintes budgétaires dans la formulation des revendications». Dans la même veine, les autorités veulent que les travailleurs contribuent «à une meilleure productivité du travail», qu’ils privilégient «la prévention et le règlement pacifique des conflits», cultivent «le professionnalisme dans l’environnement de travail», respectent «la continuité des services publics essentiels», «le quantum horaire dans les écoles, établissements de formation et universités», etc.
Il faut noter que d’une manière générale, avec ce Pacte de stabilité sociale, les parties se sont engagées à «construire une vision commune fondée sur des valeurs et une éthique sociale nouvelles, assurer le pilotage, l’animation et la vulgarisation du pacte». D’ailleurs, l’un des engagements pris par le gouvernement, c’est de «stabiliser le secteur social en facilitant le règlement du contentieux lié aux licenciements en cours par le dialogue social et instaurer des mécanismes de dialogue appropriés dans les entités publiques, examiner les voies et moyens d’apporter un soutien aux ex-travailleurs des Eléments français au Sénégal en vue de leur réinsertion». Il est aussi prévu de faciliter «aux agents de l’Etat, l’accès au logement en explorant la possibilité d’utiliser le prêt de la Direction de la monnaie et du crédit (Dmc) comme apport dans les projets d’habitat social», de renforcer «le pouvoir d’achat des ménages par la baisse des coûts de l’électricité, du riz et du pain», d’assurer «le suivi des accords signés avec les partenaires, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle, de la santé et de l’action sociale, du transport, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de la justice et des collectivités territoriales». Engagement a été pris pour revaloriser «les pensions de retraite des agents fonctionnaires et des salariés du secteur privé, notamment par l’application des recommandations de la deuxième Conférence sociale sur la réforme des retraites». Il est en outre prévu d’améliorer «la cohérence gouvernementale dans la prise en charge des revendications, notamment celles ayant une incidence financière», de garantir «un système de rémunération juste et équitable», de simplifier «les procédures de reconnaissance syndicale conformément aux dispositions de la C.87 de l’Oit et tel que préconisé dans la réforme du Code du travail», de faire «respecter les principes de la représentativité syndicale», d’organiser «une rencontre annuelle entre le président de la République et les organisations d’employeurs et de travailleurs représentatives et des rencontres semestrielles entre le Premier ministre et les organisations d’employeurs et de travailleurs représentatives». De même, il a été retenu de tenir «régulièrement des réunions de suivi avec les organisations syndicales sectorielles mettant en place un dispositif de pilotage et de suivi de la mise en œuvre du pacte».
Modalités et dispositions du pacte
Avec la signature de ce pacte, les parties se sont entendues pour respecter «une trêve sociale d’une durée de trois (3) ans» à compter de la signature du document. Il est précisé que sa mise en œuvre est assurée par «un comité de pilotage présidé par le Premier ministre, composé des ministres chargés des Finances, du Travail, de la Fonction publique, du président du Haut-conseil du dialogue social comme membres permanents, des ministères concernés par les points inscrits à l’ordre du jour, des représentants des centrales syndicales de travailleurs et des organisations d’employeurs les plus représentatives». Il est aussi indiqué que le «Secrétariat du comité de pilotage est assuré par le ministre chargé du Travail». Concernant toujours la mise en œuvre, les auteurs du document informent qu’il y a un «comité technique présidé par le ministre chargé du Travail et composé du ministre de la Fonction publique, des ministres concernés par les points inscrits à l’ordre du jour, du président du Haut-conseil du dialogue social, des représentants des centrales syndicales de travailleurs et des organisations syndicales sectorielles intéressées, et des organisations d’employeurs». Et, précisent les auteurs : «Un arrêté du Premier ministre fixe les missions et les règles de fonctionnement desdits comités.»
Pour les modalités de mise en œuvre du pacte, il est prévu que «les partenaires sociaux élaborent, dans une démarche tripartite et inclusive, un plan d’actions contenant des actions sectorielles précises». Ledit plan, assure-t-on, «est financé par l’Etat». Quid du suivi-évaluation ? Sur ce point, le comité technique du pacte va élaborer, «chaque année, un rapport d’évaluation adressé au Premier ministre». Et, selon les auteurs du document, «une évaluation finale indépendante sera réalisée au terme de la durée du pacte».
Les différentes parties se sont entendues sur le fait que «le pacte prend effet à compter de sa date de signature» et «peut être révisé dans certaines de ses dispositions à la demande de l’une des parties signataires». Dans ce cas, précisent les rédacteurs du document, «la demande de révision doit être accompagnée d’un nouveau projet pour permettre la reprise des négociations».
dkane@lequotidien.sn