APA-Tunis (Tunisie)APA-Tunis (Tunisie)

Pour Kaïs Saïed, l’alignement sur l’axe iranien et la rhétorique anti-israélienne servent à consolider une légitimité politique ébranlée à l’intérieur.

Le président tunisien Kaïs Saïed poursuit son rapprochement avec l’Iran dans un contexte de dérive autoritaire dénoncée par ses opposants et observateurs internationaux. Le 10 septembre, il a reçu au palais de Carthage le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghtchi, confirmant une orientation diplomatique qui accentue l’isolement de la Tunisie vis-à-vis de ses partenaires traditionnels.

Cette rencontre intervient alors que la baie de Tunis accueillait les navires de la « Global Sumud Flotilla », visés quelques jours plus tôt par deux attaques de drone attribuées par leurs organisateurs à Israël. Le communiqué de la présidence tunisienne évoque des discussions centrées sur « les atteintes à la sécurité et à la stabilité, notamment en Palestine occupée ». De son côté, le ministère iranien a dénoncé un « génocide à Gaza » et les « crimes du régime sioniste », reprenant une rhétorique qui place Tunis dans l’orbite diplomatique de Téhéran.

L’entretien du chef de la diplomatie iranienne avec son homologue tunisien, Mohamed Ali Nafti, a porté sur un éventail de coopérations possibles dans le commerce, le tourisme, la santé et la technologie. Mais derrière ces annonces, c’est la stratégie politique de Kaïs Saïed qui interroge. Depuis son coup de force institutionnel de 2021, marqué par la suspension du Parlement et la concentration des pouvoirs exécutifs et judiciaires, le chef de l’État est accusé de dérive dictatoriale. La répression des opposants, la marginalisation des partis et l’absence de contre-pouvoirs ont fait basculer la Tunisie dans une transition autoritaire qui inquiète ses partenaires européens.

Dans ce contexte, le rapprochement avec l’Iran apparaît pour beaucoup comme un choix risqué. En se liant davantage à Téhéran, Tunis s’expose à l’hostilité de ses voisins du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui redoutent une extension de l’influence iranienne. L’Union européenne, principal partenaire économique de la Tunisie, observe avec prudence cette inflexion diplomatique alors que le pays dépend largement de ses financements.

Pour Kaïs Saïed, l’alignement sur l’axe iranien et la rhétorique anti-israélienne servent à consolider une légitimité politique ébranlée à l’intérieur. Mais ce choix risque d’accélérer l’isolement de la Tunisie, déjà fragilisée par la crise économique, l’effondrement du dinar et la défiance d’une partie de la population. Plus que jamais, le pays s’éloigne de son image d’exception démocratique issue du « printemps arabe » et glisse vers un autoritarisme assumé, au détriment de ses alliances stratégiques et de sa stabilité interne.

MK/ac/APA

By Albert C. Diop

HBodiel