Ghazouani brigue le suffrage des électeurs le 29 juin 2024. Il l’a officiellement annoncé dans une missive à ses compatriotes. Décryptage d’un message, sans slogan !
«J’ai jugé opportun de m’adresser directement à vous, chers compatriotes, à travers cette lettre, pour vous informer de ma décision de me présenter à vous, afin que vous me renouveliez votre confiance pour un nouveau mandat », a notamment écrit le président de la République sortant pour solliciter le soutien de ses compatriotes afin de l’élire le 29 juin prochain.
Le procédé est plutôt original. Même si ce n’est pas, à proprement parler, une surprise, le président, Mohamed Ould Ghazouani a levé le voile qui entourait sa candidature pour un second et dernier mandat à la tête de l’exécutif mauritanien.
Le président sortant, élu en 2019, dont le bilan économique et social est diversement apprécié a, sans doute, réussi à éviter, en raison du legs de son prédécesseur et de l’impact réel des événements internationaux, comme la Covid ou la guerre d’Ukraine, une déconfiture de l’Etat. Mieux, le président sortant semble avoir mis sur les rails une économie résiliente et permis une marge de manœuvre dans le soutien au développement que lui accordent les bailleurs grâce à la confiance retrouvée et aux réformes idoines engagées. Malgré donc un retour à la croissance, prévue à deux chiffres, mais certainement contrariée par le recul de l’exploitation des gisements gaziers du GTA, à cause de BP, tous les signes semblent être au vert donnant au président une plus grande latitude dans son action. Le seul bémol dans la répartition équitable de cette croissance est qu’elle ne répond pas forcément aux attentes d’une population de plus en plus exigeante face à une «nomenklatura bien assise et souvent arrogante et dépensière» qui abuse des deniers publics. Une autre question sur laquelle la politique du président a été souvent épinglée est le déficit de représentativité régionale dans les sphères décisionnelles de son équipe gouvernementale.
Une autre interrogation surgit aussi à l’échelle des relations internationales du gouvernement. Malgré la profonde douleur ressentie par ses concitoyens par rapport au génocide perpétré par Israél à Gaza, le président a jusqu’ici su naviguer, en condamnant les pogroms israéliens, sans s’aliéner ses soutiens occidentaux notamment les Etats-Unis. L’image de ces derniers et celle des gouvernants occidentaux, en général, en a reçu un sérieux coup, au sein de l’opinion nationale, au moment où ils semblent inquiétés par la présence russe dans la sous-région du Sahel, déjà mis à mort, et alors que certains de ces pays chassent les bases françaises, allemandes et américaines de leurs territoires. Cependant, auréolé par la présidence tournante de l’UA, le président sortant mesure aujourd’hui l’ampleur de la fragilité de nos frontières Est avec le Mali où sporadiquement sortent des expéditions punitives contre nos ressortissants. C’est aussi un dossier « épineux» qui devrait interpeler le président élu au lendemain du 29 juin 2024.
L’annonce de candidature qui était donc dans l’air conforte le sentiment que malgré une pléthore de candidats, le président sortant, Mohamed Ould Ghazouani, n’a pas véritablement d’outsider pour lui faire ombrage. A moins d’une surprise « à la sénégalaise » que symboliserait, seul parmi les noms déjà annoncés à la candidature, le député Biram Dah Abeid ! Le président Mohamed Ould Ghazouani, fort de son bilan et de la situation géopolitique actuelle, devrait donc pouvoir rempiler pour un second mandat. Ce serait fort probablement au premier tour de cette élection dont le véritable enjeu restera le taux de participation des mauritaniens, de plus en plus désabusés par les hommes et le discours politiques.
Aziz aura-t-il droit à briguer les suffrages ?
Certains cercles feraient valoir la possibilité pour l’ancien président, toujours en prison, après son procès pour détournement de deniers publics, de se présenter au suffrage des électeurs. Même si cela parait, en l’état actuel de la situation judiciaire de l’intéressé, quelque peu saugrenu, il pourrait difficilement avoir les parrainages nécessaires pour s’infiltrer dans cette course à la Magistrature suprême.
La seule alternative politique, pour l’ancien président dont les cercles intimes mènent déjà campagne sur la toile, serait de parrainer lui-même l’un des candidats potentiels pour cette élection qu’il n’est pas assuré, loin s’en faut, de gagner. Alors quelles chances le président de l’IRA, candidat malheureux à la dernière élection, garderait-il pour le sprint final en tant que “meilleur” concurrent?
JD