Politique : l’opposition a la recherche d’un nouveau souffle

L’Eveil Hebdo – Après le raz-de-marée électoral du parti au pouvoir El INSAF lors du triple scrutin du 13 mai, l’opposition est, pour la première fois depuis 2019, vent debout contre le chef de l’État, et dénonce une fraude massive.

Alors que les cérémonies d’installation des conseils régionaux et municipaux et du parlement sont en cours, des partis de l’opposition mauritanienne ont organisé samedi dernier une marche à Nouakchott au cours de laquelle ils ont demandé la reprise des élections locales, régionales et législatives organisées le mois dernier.

L’objectif de cette marche était de demander « la reprise des élections entachées de fraude », selon eux. Autant dire qu’il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau étant donné que cette marche intervient deux jours seulement avant la tenue de la première séance du nouveau parlement au cours de laquelle seront élus un nouveau président de la chambre, les vice-présidents et le questeur.

La concertation avec le pouvoir se poursuit malgré tout

Avant cette marche, l’opposition avait rencontré le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation pour discuter de quatre points principaux liés à la concertation, à l’évaluation de l’accord politique, aux possibilités d’éviter la dissolution de partis politiques et au positionnement des partis après les élections.

Si le Ministre a souligné la nécessité d’évaluer, après les importantes élections organisées dans le pays, l’accord politique signé entre son département et les partis politiques, il n’a jamais été question pour lui de remettre en question le processus.

Ce n’est pas la première fois que l’opposition réclame l’annulation du scrutin. Dès le début de la publication des résultats elle avait dénoncé des « irrégularités » et des « fraudes massives » et avait immédiatement exigé la reprise du vote, au moins à Nouakchott et dans quelques autres localités, appelant à trouver une sortie à ce qu’elle a qualifié « de crise électorale » que vit le pays mettant en garde contre sa transformation en une crise politique.

Cette sortie de crise, selon l’opposition, doit être recherchée dans le cadre de la commission de suivi de l’accord politique. Dans le communiqué de presse qu’elle a publié, l’opposition estime que la solution doit prendre en compte la demande formulée par la majorité des partis politiques, opposition et majorité.

Elle a appelé à la dissolution de la commission électorale nationale indépendante (CENI), une réforme globale du système électorale accepté par tous, appelant par ailleurs à la reprise de toute l’opération électorale de manière consensuelle.

« La crise électorale s’ajoute à d’autres crises sociales et sécuritaires »

L’opposition réaffirme que ce qui s’est passé lors des élections ne peut en aucun cas réaliser l’objectif visé, c’est-à-dire l’organisation d’un scrutin transparent et honnête accepté de tous ce qui a conduit à une perte énorme et la déception d’un grand espoir au sein de l’opinion publique nationale et qui a plongé le pays dans une nouvelle crise électorale.

Elle a ajouté que cette crise électorale s’ajoute à d’autres crises sociales et sécuritaires profondes rappelant les évènements malheureux qui ont suivi la mort des deux jeunes mauritaniens, Oumar Diop après son arrestation au commissariat 1 de Sebkha et Mohamed Lemine Samba lors de la manifestation à Boghé.

L’opposition a demandé au gouvernement d’appliquer aux responsables des meurtres et de la torture, les sanctions les plus sévères et de faire face aux défis que représente l’insécurité avant qu’il ne soit trop tard. Elle a condamné toutes les formes de violence aussi bien au niveau des appareils sécuritaires que de la part des manifestants et toute déviation à même de muter des manifestations pacifiques à des actions en actes d’intimidation des citoyens, d’agression et de destruction de biens publics et privés.

L’opposition mauritanienne a obtenu, lors de ce scrutin 22 sièges de députés que se sont partagés les formations politiques Sawab, Tawassoul, le Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie. La plus grande surprise, lors de ces élections, est que des partis longtemps ancrés dans l’opposition seront absents du parlement. Il s’agit notamment du RFD, de l’UFP et de l’APP.

Victimes de leurs propres turpitudes

L’absence de ces formations politiques traditionnelles au parlement est en effet l’un des faits les plus marquants de ces élections. Des partis qui se sont littéralement effondrés au grand dam de leurs militants et sympathisants.

Le RFD de Ahmed Ould Daddah, l’UFP de Mohamed Ould Maouloud et l’APP de Messaoud Ould Boulkheir sont réduits à leur plus simple expression, à l’issue de ces scrutins. Il faut dire qu’ils sont victimes de leurs propres turpitudes et ne qu’doivent s’en prendre à eux-mêmes.

Immobilisme, passivité, manque de propositions… et surtout absence de changement. On ne peut pas passer toute sa vie politique à exiger une alternance au pouvoir et ne pas se l’appliquer soi-même.

A force de voir les mêmes têtes diriger ces partis depuis l’avènement de la démocratie en 1991, la lassitude a fini par gagner les militants et sympathisants, dont la majorité n’était pas encore née à cette époque et qui ont fini par se tourner vers d’autres partis.

A cela il faudra ajouter les querelles et les scissions (notamment à l’UFP avec le départ de Kadiata Malick Diallo) ; mais aussi l’attitude (trop ?) bienveillante de ces partis vis-à-vis du pouvoir.

Comme disait quelqu’un, « la majorité gouverne, l’opposition s’oppose ». Et dès lors que cette division des rôles n’est pas respectée, les électeurs sont déboussolés et la déchéance inéluctable.

TAWASSOUL a bien compris le danger et s’évertue à changer régulièrement ses dirigeants pour insuffler du sang neuf et à s’opposer systématiquement et frontalement au pouvoir.

La seule formation de l’opposition de « l’ancienne génération » qui a pu tirer son épingle du jeu est l’AJD/MR de Ibrahima Sarr qui a su tirer profit de la Coaltion Vivre Ensemble, qui a fait émerger de nouveaux profils, donnant ainsi un sentiment de renouvellement de la classe politique.

Signalons qu’à cette marche ont pris part les partis de l’opposition l’Union des Forces de Progrès (UFP), le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), Tawassoul, Sawab, l’Alliance Populaire Progressiste (APP) et le Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie.

Sikhousso

By Albert C. Diop

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