De gauche à droite, le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Touray, le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, et le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, Adamu Ibrahim Lamuwa, posaient jeudi pour une photo lors d’un sommet de la CEDEAO, à Abuja, au Nigeria.
Kola Sulaimon Agence France-Presse De gauche à droite, le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Touray, le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, et le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, Adamu Ibrahim Lamuwa, posaient jeudi pour une photo lors d’un sommet de la CEDEAO, à Abuja, au Nigeria.

Delphine Touitou – Agence France-Presse et Valérie Leroux – Agence France-Presse

La France a exprimé jeudi soir un soutien total à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a validé l’option militaire pour mettre fin au coup d’État au Niger tout en ménageant une ultime chance d’issue pacifique à la crise.

Paris soutient « l’ensemble des conclusions adoptées à l’occasion du sommet extraordinaire » de la CEDEAO à Abuja, y compris la décision d’activer le déploiement d’une « force en attente », a signifié le ministère français des Affaires étrangères.

Au même moment, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, déclarait que son pays soutenait « le leadership et le travail » qu’exerce l’organisation régionale pour permettre le retour à l’ordre constitutionnel au Niger, sans toutefois approuver explicitement la décision de déployer sa force.

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Pour l’heure, la CEDEAO espère encore une solution diplomatique, mais son message, relayé par le président ivoirien, Alassane Ouattara, aux militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey est très clair : la menace d’intervention est plus que sérieuse et l’opération peut « démarrer dans les plus brefs délais ».

L’effet de cette annonce est encore incertain. « On ne sait ni quand ni comment cette force sera déployée, ni qui en fera partie », explique Tatiana Smirnova, chercheuse associée au Centre FrancoPaix de la Chaire Raoul-Dandurand, en entrevue au Devoir. « Ça risque de dégénérer d’une manière imprévisible », ajoute-t-elle.

Plus tôt dans la journée, la junte militaire au pouvoir, issue du coup d’État du 26 juillet, a annoncé avoir formé un gouvernement.

Les dirigeants de la CEDEAO étaient réunis en sommet à Abuja, au Nigeria, pour discuter de la situation. Le président nigérian, Bola Tinubu, qui est présentement à la tête de l’organisme, n’exclut pas un recours à la force en « dernier ressort », rapporte l’Agence France-Presse. Il affirme toutefois privilégier une solution pacifique au conflit, notamment par la négociation.

Sentiments anti-occidentaux

La CEDEAO regroupe une quinzaine de pays de l’Afrique de l’Ouest. Elle a pour but de promouvoir la coopération économique dans la région et de renforcer les relations entre les États membres.

Tatiana Smirnova précise que l’organisation « est perçue localement comme une force poussée par l’Occident, s’agit-il de la France ou des États-Unis ». Elle ajoute que « l’intervention militaire risque de radicaliser encore les populations dans leur sentiment anti-français et anti-occidental de manière générale ».

Malgré l’attention portée au conflit à l’international, le coup d’État a des racines locales, explique Mme Smirnova. « Le coup d’État a été vraiment provoqué par des frustrations et des tensions internes [qui existent] depuis très longtemps entre plusieurs acteurs politiques et militaires au Niger. Il s’inscrit aussi dans les frustrations de manière plus générale de la population sur la distribution inéquitable des ressources. »

La chercheuse ajoute que le conflit s’inscrit dans une tendance de coups d’État au Sahel, de tels événements étant survenus au Mali et au Burkina Faso, deux pays dirigés par des militaires depuis 2020 et 2022 respectivement. Bien que « provoqué localement pour des raisons internes », le conflit au Niger a pris une autre tournure en raison de la crainte des Occidentaux que la Russie utilise la situation à son avantage, explique-t-elle.

Dans le cas d’un hypothétique retour de l’ordre constitutionnel, « le Niger restera extrêmement fragile vis-à-vis de cette montée des sentiments anti-occidentaux », ajoute la chercheuse. « Et ici, il faut rappeler encore une fois que le Niger fait partie des pays qui mènent une lutte contre des groupes insurrectionnels qui ont aussi un projet anti-occidental. »

Deux semaines sous tension

Le 26 juillet dernier, des militaires renversaient le président Mohamed Bazoum, séquestrant ce dernier dans le palais présidentiel à Niamey, la capitale du Niger. Le général Abdourahamane Tchiani, à la tête des putschistes, a justifié le coup d’État par les violences qui secouent le pays. Il a déploré que la présence de soldats occidentaux, dont des Français et des Américains, n’ait pas suffi à sécuriser le climat au Niger.

Mercredi, la junte a accusé la France d’avoir libéré des djihadistes et d’avoir violé l’espace aérien du pays, des allégations démenties par l’Élysée.

Les militaires nigériens comptent sur le soutien du Mali et du Burkina Faso. Selon l’Agence France-Presse, ces deux États alliés des putschistes ont affirmé qu’une attaque de la CEDEAO au Niger serait considérée comme « une déclaration de guerre ».

Avec Alex Fontaine, Le Devoir

By Albert C. Diop

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