lecalame.info Le président de la République entreprend, depuis quelques semaines déjà, une virée en plusieurs wilayas du pays. De caractère économique, cette tournée revêt également une teneur politique. En plus des inaugurations et autres poses de première pierre de chantier, le Raïs, en fin de premier quinquennat, semble rappeler aux Mauritaniens qu’il est prêt à poursuivre le travail engagé les cinq dernières années. Pas de plus belle occasion, en effet, que ces parties campagnardes pour se faire entendre à la base. Les responsables des partis de la majorité présidentielle et les cadres profitent de pareils moments pour battre le rappel des troupes. Ils rivalisent à qui mobilisera mieux. Les populations sont transportées en cortèges pour accueillir le Boss qui ne se lasse pas de saluer de longues files. Certains profitant de la proximité toujours rêvée pour remettre une note ou pour placer un mot dans l’oreille du Président…
Depuis que celui-ci a enclenché ses visites, toute la république est en ébullition ; les élus et cadres des régions-hôtes s’agitent, tenant réunions de sensibilisation sur regroupements de mobilisation. Des moyens sont dégagés et ceux qui occupent de hautes fonctions ou les hommes d’affaires dégainent des centaines, voire des millions pour « contribuer à la réussite de la visite du président de la République dans leur bled ». Ils n’hésitent pas à inviter des amis d’autres régions à les appuyer et même à venir les soutenir sur place.
De gros sous qui auraient pu soulager les populations en proie à de sérieux problèmes d’eau, d’électricité, d’éducation, de santé, d’enclavement… Autant de doléances qui ne parviennent que rarement aux oreilles du président de la République. Ces cadres venus de Nouakchott et d’ailleurs forment hélas un écran entre le Raïs et les gens à qui l’on ne donne jamais la parole lors des réunions dites de « cadres » : les audiences sont filtrées et réservées à ceux-ci, aux élus et aux notables…Les populations ne servent simplement qu’être mobilisées et transportées pour servir de décor et faire-valoir aux « haut-placés » qui décamperont sitôt le Président reparti.
Loin devant…
Les visites de Mohamed ould Ghazwani interviennent cette année à la fin de son premier quinquennat. Les Mauritaniens doivent retourner aux urnes en 2024 pour réélire ou élire leur Président et les présents déplacements du Raïs ont tout l’air d’une pré-campagne électorale. Partout où il passe, ce n’est pas seulement à son accueil que les élus et responsables des partis de la majorité présidentielle mobilisent leurs militants mais aussi à lui demander de briguer un second mandat. On vante les réalisations cumulées quatre années durant et le message est relayé par les foules sur des banderoles : « L’homme qu’il faut à la Mauritanie » peut-on lire sur celles brandies lors de son passage…Une invite en droite ligne de celle lancée par le bureau exécutif de l’INSAF et de tous les partis de la majorité.
Et suite logique de la réponse d’Ould Ghazwani, lors de ses deux derniers entretiens avec la presse, à la question des journalistes lui demandant s’il allait briguer un second mandat : en déclarant qu’« il s’en remettait à la volonté des Mauritaniens et à sa majorité », il venait de siffler le coup d’envoi de la campagne électorale. Les troupes se sont alors mises en branle et la majorité présidentielle a démarré bien avant les autres. Avec les moyens dont elle dispose, elle ne s’essoufflera pas :on a appris, lors de la dernière audition de l’ex-Président, qu’il restait dans la cagnotte de la campagne présidentielle de 2019, la bagatelle de plusieurs milliards en euros et dollars ; des sommes à donner le vertige à l’opposition et à tous ceux, trop nombreux dans ce pays, si quotidiennement occupés à tenter seulement de tirer le diable par la queue…
Dalay Lam