«Concilier les avancées technologiques et l’exigence de protéger les droits fondamentaux attachés à la vie privée», c’est le défi qui doit être relevé. Le président de la République, qui a présidé hier la cérémonie de la Rentrée solennelle des Cours et tribunaux dont le thème portait sur la Protection de la vie privée, a insisté sur le besoin d’adapter notre cadre juridique en anticipant sur les besoins futurs.
Par Dieynaba KANE – Pour la cérémonie de la Rentrée des Cours et tribunaux de cette année, la problématique de la protection de la vie privée a été choisie comme thème. Le chef de l’Etat, qui a présidé la séance, a reconnu «la nécessité de concilier les avancées technologiques et l’exigence de protéger les droits fondamentaux attachés à la vie privée». D’après Macky Sall, qui a présidé hier aussi sa dernière cérémonie de rentrée, «des lois et institutions dédiées à cette protection ne manquent pas». Mais, souligne-t-il, «il y a certainement lieu d’interroger leur adéquation avec les réalités évolutives de notre temps».
Selon lui, «il s’agit surtout d’adapter notre cadre juridique en corrigeant ses imperfections et en anticipant sur les besoins futurs, au moment où nous entrons de plain-pied dans l’ère de l’Intelligence artificielle». En outre, M. Sall constate que cette problématique met «en lumière la nécessité d’assurer l’équilibre entre le principe de liberté et l’impératif de protéger ce qui relève de la sphère privée, y compris les données personnelles». Dans son allocution, le président de la République relève que la vie privée est aujourd’hui plus que jamais exposée et menacée dans son existence, avec l’explosion des technologies de l’information et de la communication, et la frénésie des réseaux sociaux. Et d’ajouter : «Officiel ou personne privée, nul n’est épargné, à telle enseigne qu’on peut légitimement se demander ce qui reste de la vie privée, surtout lorsque tel ou tel aspect qui en relève est utilisé dans une volonté manifeste de nuire.»
Par ailleurs, Macky Sall a tenu à préciser que «la protection de la vie privée n’incombe pas seulement à l’Etat». Ainsi, martèle-t-il, «elle s’impose aussi au milieu socio-professionnel privé pour préserver l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, et établir une relation de confiance et de respect mutuel entre l’employeur et l’employé». Et de poursuivre : «La même exigence s’applique aux procédures judiciaires, de l’enquête jusqu’au jugement, afin de protéger l’intimité et la dignité des personnes poursuivies et des témoins, s’agissant notamment des informations qui touchent à la vie privée.»
Toutefois, le président de la République précise que «la protection de la vie privée n’exclut pas la possibilité pour l’Etat d’infléchir certaines règles, à des fins d’intérêt général, notamment pour assurer la sécurité des personnes et des biens ou réprimer certaines formes de criminalité». A titre d’exemple il cite : «La loi 2016-29 du 08 novembre 2016 qui aménage des restrictions à la protection de la vie privée dans des circonstances spécifiques où la sécurité publique est en jeu.» Macky Sall, qui dit mesurer «la sensibilité afférente à cette restriction», soutient que «les circonstances doivent la justifier». «Je pense par exemple à la lutte contre le terrorisme, la cybercriminalité et la criminalité organisée dont les modes opératoires sortent de l’ordinaire. Dans le même esprit, la loi 2016-33 du 14 décembre 2016 autorise des mesures spécifiques pour la collecte et le traitement d’informations relevant d’activités de renseignement. Là également, nécessité fait loi», a-t-il déclaré.
Poursuivant ses explications, M. Sall informe que «par ses fonctions régaliennes dont il a seul le monopole, l’Etat est le garant de l’ordre et de la sécurité publics». Dès lors, prévient-il, «tout manquement à cette mission exclusive lui est naturellement imputé, d’où la nécessité d’aménager des dispositions légales et réglementaires lui donnant les moyens d’agir pour assurer cette prérogative d’intérêt général». «Je pense en particulier aux impératifs de sécurité nationale. Sous tous les angles d’analyse, la matière est donc complexe et constitue un défi permanent pour l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire», a-t-il encore dit.
Pour Macky Sall, au-delà des textes qui sont, selon lui, certes nécessaires, la vie privée relève «aussi de considérations d’ordres éthique et moral qui nous engagent en tant que citoyens et citoyennes liés par le contrat social et dotés du libre-arbitre». C’est-à-dire, explique-t-il, «l’aptitude à nous déterminer par nous-mêmes et non par crainte d’une force coercitive». Cela, fait-il savoir, «ramène au devoir de responsabilité qui accompagne et valorise l’exercice des libertés individuelles et collectives».
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