Aziz écrit à Ghazouani: Conseils d’un ami de 40 ans

Le Calame – L’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz, candidat retoqué à la prochaine présidentielle, s’érige en donneur de leçons à son désormais ex-alter ego, l’actuel président Ghazwani candidat à sa propre succession.

Les Mauritaniens ont été surpris d’apprendre, au soir de la clôture du dépôt des candidatures, l’arrivée in extrémis de MOAA au Conseil constitutionnel, extirpé de prison pour déposer son dossier à cette fin. Une querelle de juristes avait éclaté sur son éligibilité, il y a quelques semaines de cela.

L’occasion qui lui a été depuis offerte apparaissait comme un plaidoyer pour la démocratie mauritanienne mais… s’est vite transformée en coup de com, orchestré on ne sait par et pour qui. Autre surprise, le Conseil constitutionnel affirmait, dès le lendemain, qu’elle n’avait reçu que sept dossiers de candidatures. Le dossier d’Ould Abdel Aziz était donc tombé au rebus.

Après tout ce bruit apparemment destiné à la seule consommation dont sont friands les Mauritaniens, l’ex-Président n’en démord pas pour autant. Bien au contraire. Le voilà revenu à la charge avec une lettre ouverte adressée à son successeur, histoire, semble-t-il, de lui donner des leçons… de sagesse.

Curieux et ridicule à la fois de la part d’un homme qui n’en tenait qu’à sa tête et qui n’avait de respect pour personne, un président-bulldozer. Aurait-il écouté, si peu soit-il, les rares sages qui l’avaient soutenu au lendemain de son putsch d’Août 2008 qu’il se serait évité le sort qu’il connaît depuis son départ du Palais, le 2 Août 2019.

Bande sans foi ni loi

Dans sa missive, MOAA peint un tableau noir du quinquennat de son successeur considéré comme un incapable, otage d’une meute de rapaces, d’opportunistes de tout acabit et qui risque fort de mener la Mauritanie vers le gouffre.

« Cette bande sans loi ni foi mène inéluctablement le pays vers la désintégration » écrit-il, avant d’avertir que la Mauritanie est aujourd’hui écartelée entre deux groupes : les choyés de la République (Administration, cadres et financiers…) et les souffre-douleurs, à savoir le reste du pays.

Un gang face auquel « il a su résister durant toute sa décennie », souligne-t-il. Leur dernière tentative étant de le pousser à briguer un troisième mandat, en dépit de la Constitution. Et de mettre en garde son ami de 40 ans contre cette clique qui mine l’Administration, pille les ressources du pays, paupérise l’écrasante majorité de la population…

Enfonçant le clou, l’ex-Président regrette la candidature de son successeur à un second mandat, alors que celui-ci aurait plutôt dû s’inspirer de François Hollande, qui, tirant les leçons de l’échec de son premier mandat, avait renoncé à en briguer un second. Selon MOAA, la réélection de Ghazwani exposerait la Mauritanie à tous les dangers.

Une telle stratégie de com vient couper l’herbe sous les pieds des rédacteurs du programme de campagne du Président sortant.

Et de profiter de l’occase pour rappeler aux Mauritaniens et à « cette bande, sans foi ni loi » toutes les réalisations de sa décennie à la tête du pays : approvisionnement en eau et en électricité, efforts soutenus en matière d’agriculture et d’élevage, modernisation de l’état-civil, des plateaux techniques des établissements hospitaliers et du système éducatif…

Un tableau certes reluisant mais fort discret sur l’ardoise très salée qu’il a laissée derrière lui, comme l’a si bien noté la Commission d’enquête parlementaire de 2020, base de l’audit sur la décennie 20O9-2019… et de ses conséquences judiciaires. Comme le dit un adage populaire, un chameau ne voit pas sa bosse.

En tout cas, la lettre de MOAA révèle aux Mauritaniens qui l’ignoraient encore comment fonctionne le système qui « gère » le pays depuis 1978. Chaque gouvernement qui passe en creuse une nouvelle couche, approfondissant le fossé qui sépare les mauritaniens d’en haut et ceux d’en bas.

Une minorité qui s’enrichit de manière éhontée et une majorité qui s’enfonce, de jour en jour, dans les entrailles de misère, sous le joug d’une pseudo-démocratie taillée en kaki et de cadres ayant perdu toute forme de morale.

Quant à la fortune que s’est offerte l’ex-Président durant « sa » décennie, elle ne semble certainement pas l’autoriser à s’extraire de la dite ultra-minorité, en dépit de ses démêlées ultérieures avec elle… Nul, à part lui, ne saurait oublier ce « détail » de l’histoire…

Dalay Lam

By Albert C. Diop

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