Entretien. Dans le sillage de la France, les États-Unis ont accepté, vendredi 19 avril, de retirer leurs troupes du Niger. Après plus d’un mois de négociations, Washington cède finalement à la demande du pouvoir militaire, signe d’une « erreur d’appréciation majeure« , selon Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à l’université de Kent et spécialiste du Sahel

capture niger-usa

Des drapeaux américain et nigérien flottent au sein de la Base aérienne 201 à Agadez, au Niger, 16 avril 2

TV5MONDE : Après la rupture de coopération prononcée de manière unilatérale par la junte nigérienne au mois de mars, les États-Unis ont finalement accepté de retirer leurs troupes. A-t-on des indications concernant les modalités de ce départ ? 

Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à l’université de Kent et spécialiste du Sahel : Les autorités nigériennes ont fait ce qu’il fallait pour signifier leur volonté de voir les troupes américaines partir. Elles ont ensuite organisé des manifestations pour essayer de donner une validation populaire à leur demande. Ces manifestations ont eu lieu le week-end dernier, même s’il est difficile de juger leur impact. Elles ont réussi à faire sortir des gens à Niamey. Mais dans les villes secondaires comme Maradi ou Agadez, il ne s’est strictement rien passé. On ne peut pas dire qu’il y a eu un élan populaire dans le sillage de la demande des autorités. En tout cas, rien de similaire avec ce qui s’était passé avec la présence française. 

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Il n’y a pas encore de détails sur les modalités du retrait. Il est question de plusieurs mois. La base d’Agadez est déjà moins peuplée qu’auparavant. Mais en termes de matériel, il y a énormément de choses. Faire partir tout ça va demander un important effort logistique.

Contexte 

Lors de sa visite à Washington, mardi 15 avril, le Premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, s’est entretenu avec le numéro deux de la diplomatie américaine, Kurt Campbell. Il a réitéré l’exigence nigérienne de retrait des troupes américaines présentes sur le territoire, notamment sur la base aérienne d’Agadez. 

Après plus d’un mois de négociations, les autorités à Washington ont finalement cédé à cette demande. Une délégation américaine doit prochainement faire le voyage à Niamey pour s’accorder sur les modalités de départ. 

TV5MONDE : Contrairement à la position stricte de Paris, Washington s’est montré conciliant à la suite du coup d’État de juillet 2023, qu’il n’a qualifié comme tel que deux mois plus tard. Et depuis, les négociations entre les deux parties n’avaient pas cessé. 

Yvan Guichaoua : Les Américains espéraient sauver la mise. Ils ont d’abord fait profil bas. Dans un premier temps, ils n’ont voulu ni condamner ni nommer le coup d’État. Et encore, on pensait que la désignation de « coup d’État », finalement employée deux mois après les faits, allait suspendre automatiquement toutes leurs activités. Or, cela n’a eu qu’un impact sur l’aide au développement. La coopération militaire a été plutôt préservée. 

Puis est venu le temps des négociations. La secrétaire d’État aux affaires africaines, Molly Phee, s’est régulièrement rendue au Niger tout en dialoguant avec la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Cela s’est encore manifesté cette semaine. Le Premier ministre nigérien était en visite à Washington pour des discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, essentiellement avec une délégation spécialisée dans les questions économiques. Mais ils en ont visiblement profité pour rencontrer les autorités américaines, dans un format bilatéral, et discuter davantage de cette demande de retrait. 

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By Albert C. Diop

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