lemonde.fr

Les candidatures des deux opposants ont été écartées par le Conseil constitutionnel. Une liste de vingt noms a été validée samedi 20 janvier par l’instance

Dernier rebondissement avant le lancement de la campagne électorale au Sénégal : Karim Wade, fils et ministre de l’ancien président Abdoulaye Wade et premier adjoint du secrétaire général du parti démocratique sénégalais (PDS), a été définitivement écarté de la course présidentielle du 25 février prochain.

L’homme politique de 55 ans ne figure pas sur la liste définitive des vingt candidats validés par le Conseil constitutionnel, publiée samedi 20 janvier un peu après 22 heures après une longue journée d’attente. En cause : sa double nationalité qui fait débat depuis plusieurs jours dans le pays.

Selon la Constitution, « tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise ». Karim Wade, né en France d’un père sénégalais et d’une mère française, assurait depuis des semaines qu’il avait renoncé à sa nationalité française, déclaration sur l’honneur à l’appui. Pourtant, il a fallu attendre le 16 janvier et le recours déposé par le député Thierno Alassane Sall pour qu’un décret en attestant soit publié par le ministère français de l’intérieur.

« Il reste que sa candidature a été déclarée recevable sur la foi d’une déclaration sur l’honneur inexacte, dès lors qu’au moment de cette déclaration datée du 21 décembre 2023, le candidat n’avait pas exclusivement la nationalité sénégalaise » et « les effets du décret consacrant la perte d’allégeance de Karim Meïssa Wade à l’égard de la France ne sont pas rétroactifs », a justifié le Conseil constitutionnel. L’opposant est donc mis hors-jeu pour le prochain scrutin présidentiel.

« Une atteinte flagrante à la démocratie »

Dans un message communiqué dans la nuit, Karim Wade estime que « la récente décision du Conseil Constitutionnel est scandaleuse » et une « une atteinte flagrante à la démocratie ». Il réitère qu’il a « depuis longtemps renoncé à sa nationalité française » et annonce avoir décidé de saisir la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) « pour défendre son droit à la candidature à l’élection présidentielle de février 2024 ».

Un choc et une grande déception pour le camp de Karim Wade, dont la candidature avait déjà été invalidée en 2019 à cause de sa condamnation pour détournement de fonds publics. Exilé au Qatar depuis huit ans, le leader du PDS devait rentrer prochainement au Sénégal. Un projet désormais incertain. Pour le moment, aucun plan B n’a été évoqué par son parti qui est resté muet samedi soir. « Je reste fidèle et solidaire à vous et à vos orientations », a réagi sur ses réseaux sociaux la députée Mame Diarra Fam.

L’autre grand absent de cette liste de prétendants est Ousmane Sonko, leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), parti dissous en juillet dernier, alors qu’il était parmi les grands favoris de ce scrutin. L’homme politique panafricaniste et souverainiste de 49 ans « se trouve définitivement condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois avec sursis » et « cette condamnation le rend inéligible pour une durée de 5 ans » a tranché le Conseil constitutionnel, en référence à l’affaire qui a opposé Ousmane Sonko au ministre du tourisme Mame Mbaye Niang et pour laquelle il a été reconnu coupable de diffamation.

« Le régime de Macky Sall a utilisé tout son arsenal pour empêcher la candidature d’Ousmane Sonko. Mais ce qui nous importe ce n’est pas sa figure mais le projet. Nous sommes persuadés que le candidat qu’il désignera va gagner », a réagi El Malick Ndiaye, secrétaire national à la communication de l’ex-Pastef.

« Bassirou c’est Sonko »

Trois de ses alliés ont, en effet, vu leurs candidatures validées, dont Bassirou Diomaye Faye, le numéro deux du parti qui est actuellement en prison à cause d’une affaire judiciaire pour laquelle il n’a pas encore été jugé. Habib Sy, ancien président de la conférence des leaders de la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi a lui été parrainé par des députés de l’ex-Pastef.

Si aucun communiqué officiel n’est encore sorti donnant une consigne de vote, les réseaux sociaux d’Ousmane Sonko et de ses proches affichent partout une photo de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko dos à dos, avec inscrit en wolof « Bassirou mooy Sonko », soit « Bassirou c’est Sonko ». « Ils ont des parcours identiques, que ce soit aux impôts et domaine, au niveau du syndicat ou du parti », vante M. Ndiaye, qui indique que le bureau politique du parti communiquera rapidement à ce sujet.

De l’autre côté du spectre politique, plusieurs candidats issus du camp au pouvoir font face à Amadou Ba, l’actuel premier ministre qui a été désigné comme le candidat de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakar par le président sortant Macky Sall, qui lui a décidé de ne pas se présenter à un troisième mandat

Sur la liste qui compte deux femmes figurent aussi Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, Idrissa Seck ancien premier ministre qui était arrivé deuxième lors de l’élection présidentielle de 2019, et l’ancien ministre Thierno Alassane Sall. Alors que plus de 90 prétendants avaient déposé leur dossier au Conseil constitutionnel, beaucoup de candidats déçus se plaignent de la procédure des parrainages comme l’ancienne première ministre Aminata Touré ou l’homme d’affaires Bougane Gueye Dany.

C’est néanmoins la première fois au Sénégal qu’il y a autant de candidats sur la ligne de départ, le record datant de 2007 avec 15 prétendants – ils n’étaient que cinq en 2019. Une élection plus ouverte que jamais où les voix pourraient se disperser et mener à un second tour.

Théa Ollivier( Dakar, correspondance)

By Albert C. Diop

HBodiel