Depuis sa nomination à la tête du gouvernement, Ousmane Sonko semble privilégier les séquences d’affrontement en se mettant en spectacle pour noyer les attentes qu’il a suscitées dans un brouillard de polémiques. Même si ses partisans assurent que sa déclaration sur le voile a été décontextualisé, le Premier ministre vient de raviver un débat réglé depuis 2019 après l’affaire Sainte Jeanne d’arc.
Par Bocar SAKHO – Que dire ? Depuis sa nomination à la tête du gouvernement en avril dernier, le Premier ministre a pris la parole publiquement très peu de fois : à chaque fois qu’il parle, le lendemain, c’est la sidération. Cette fois-ci, il vient de se prendre les pieds… dans le voile. Il a déclenché une polémique monumentale : elle conforte aussi l’impression d’un Premier ministre aux décisions erratiques, impulsives et souvent aux conséquences désastreuses. Alors que cette question a été réglée en 2019 à la suite de conciliabules et de compromis, le Premier ministre a décidé de raviver un débat sensible, mais surtout inutile.
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Depuis sa déclaration controversée, il récolte une volée de bois vert. Suffira-t-il pour ébranler le Premier ministre ? C’est une bonne question ! Mais, il ne risque absolument rien, car il est garant de la stabilité de l’Exécutif à deux têtes que le Sénégal expérimente depuis l’élection de Bassirou Diomaye Faye. Le Président a été élu au… nom de son Premier ministre. N’eut été cela, il aurait perdu sans doute son poste après ses déclarations tenues lors de sa conférence publique au Grand Théâtre au mois de juin dernier. Ce jour-là, le Premier ministre s’est amusé à régler ses comptes en public : sans mettre de gants, il s’est déchaîné sur le président du Conseil constitutionnel et d’autres juges, a menacé les médias…
La danse autour du vide
Après cet exercice, le Premier ministre s’est encore davantage senti pousser des ailes. Il venait de décrocher une licence d’impunité, ignorant les commentaires choqués de certaines personnes. Ensuite, il y a la conférence à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar avec Mélenchon, le show à Colobane devant des marchands ambulants, stupéfaits par leur déguerpissement auquel il s’est dit étranger… Comment en est-on arrivé là ? Si Sonko se retrouve au cœur de la gestion du pouvoir avec un ordre politique décomposé qu’il a surtout provoqué, chacun pouvait imaginer que cette figure plutôt extravagante de la politique se contentera de remplir le traditionnel cahier des charges associé à sa fonction primatorale : avancer d’un pas prudent sur la corde raide des équilibres, imposer de nouvelles orientations politico-économiques sans trop heurter les convictions de ses partisans les plus zélés, ni froisser les sensibilités progressistes et conservatrices de la société.
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En contrepoint d’une conduite jugée cassante en public, d’un ascétisme qui jure avec la bonhomie et la retenue de ses prédécesseurs à la Primature. Si Yoro Dia affirme que «l’Etat ne peut pas anoblir Sonko», l’ancien candidat à la Présidentielle Boubacar Kamara renchérit en soutenant que «personne ne peut changer Sonko». Alors, le Premier ministre conduit sa destinée vers un mur. Sûr de son poids politique, il se comporte en élu, qui va bouleverser toute l’architecture politique et sociale du pays.
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Séquencées comme dans un film, les scènes déroulées par Sonko sont tournées dans un sombre décor, mais surtout autour d’un grand vide… Va-t-il faire son mea-culpa devant la fronde généralisée des écoles privées catholiques ? Cela, néanmoins, est peu sûr. Comme dans plusieurs occurrences, il faudrait que la situation économique et sociale se dégrade sensiblement pour que la base affective qui soutient le Premier ministre commence à se détourner de lui. On pourrait alors, à ce moment, voir la capacité de Ousmane Sonko à brasser du vent.
bsakho@lequotidien.sn