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avec AFP
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Des soldats touaregs à Kidal.
AP Photo/Rebecca Blackwell
L’ex-rébellion touareg du nord du Mali affirme avoir été attaquée par les forces armées maliennes (FAMA) et la force paramilitaire Wagner. Depuis plusieurs mois, le fossé se creuse entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et l’armée malienne. Pourquoi la situation s’est-elle envenimée ?
« Les forces armées de la CMA viennent de repousser une attaque complexe menée par les FAMA et Wagner. Nous tenons la communauté internationale témoin de ces graves agissements et violation de tous les engagements et arrangements sécuritaires« .
Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) à Bamako, a affirmé sur Facebook, vendredi 11 août au soir, qu’une attaque aurait été perpétrée par les forces maliennes et Wagner « à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Ber« , non loin de Tombouctou.
Si la relation entre l’ex-rébellion touareg et l’armée malienne est tendue de longue date, elle semble s’être terriblement dégradée ces derniers jours.
- Que s’est-il passé ces derniers jours ?
Le 10 août, l’ex-rébellion touareg du nord du Mali affirmait ne plus être en sécurité à Bamako. Elle avait alors décidé de faire quitter la capitale à tous ses représentants. « Notre direction estime que nous ne sommes plus en sécurité dans la capitale et que les raisons de notre présence au nom de la CMA sont entièrement compromises« , affirmait Attaye Ag Mohamed, chef de la délégation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Dans la soirée du jeudi 11 août, Mohamed Elmaouloud Ramadane, annoncait, lui, des affrontements avec l’armée malienne à la sortie de Bamako, avant de se rétracter. Mais dès le lendemain, une attaque était toutefois confirmée par ce dernier sur Facebook.
Les forces armées maliennes (FAMA) affirment elles avoir « riposté vigoureusement » à « une tentative d’incursion dans leur dispositif et à des tirs de harcèlement » de la part de « terroristes« , terme par lequel elles désignent habituellement les groupes jihadistes.
Cet affrontement a fait un mort et quatre blessés côté armée selon les FAMA. « Les terroristes dans leur débandade ont abandonné quatre corps, plusieurs motos et des matériels militaires« , ont indiqué les Fama sur leur page Facebook.
Le retrait de la mission de l’ONU (Minusma), à la demande des autorités de transition, serait à l’origine de cette dernière crise. La CMA qui contrôle de vastes étendues dans le nord, accuse la junte de chercher à y prendre le contrôle des bases abandonnées.
Qu’est-ce que la Coordination des mouvements de l’Azawad ?
- La Coordination des mouvements de l’Azawad ou CMA est une alliance de groupes touareg du nord du Mali créée en 2014.
- Elle contrôle des territoires dans le nord du pays, comme la zone de Kidal.
- Elle accuse la junte de chercher à y prendre le contrôle des bases que la mission de l’ONU (Minusma) s’apprête à quitter.
- Selon Attaye Ag Mohamed, chef de la délégation de l’ex-rébellion, une telle mainmise irait à l’encontre des termes du cessez-le-feu conclu en 2014 entre l’armée malienne et les touareg.
La CMA, alliance de groupes indépendantistes et autonomistes à dominante touareg entrés en rébellion contre l’État malien dans le nord en 2012, est aussi l’une des parties à l’accord de paix d’Alger signé en 2015 avec le gouvernement malien.
- Qu’est-ce que l’accord d’Alger ?
Officiellement nommé « Accord pour la paix et la réconciliation au Mali », l’accord d’Alger a été signé en mai et juin 2015 à Bamako. Il met fin aux hostilités déclenchées par les insurrections indépendantistes, à savoir les rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), et les salafistes du mouvement Ansar Dine de 2012 dans le nord du pays.
Le MNLA revendique alors l’indépendance de l’Azawad, qui correspond aux régions de Tombouctou, Kidal et Gao. Cependant, le gouvernement malien défend l’intégrité du territoire.
La médiation conduite par l’Algérie finit par accoucher d’un accord signé le 15 mai 2015 par le gouvernement malien et la médiation internationale. Il ne sera cependany paraphé que le 20 juin 2015 par la CMA. L’accord alors prévoit des mesures de décentralisation, mais aussi l’intégration d’ex-rebelles dans l’armée nationale.
Il prévoit aussi un redressement de l’autorité de l’État à travers une meilleure intégration au processus décisionnel. Toutes ces composantes politiques indispensables à une sortie de crise au Mali.
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- Comment la situation a évolué depuis l’accord d’Alger ?
Depuis la prise de pouvoir des militaires au Mali en 2020, les relations entre les anciens rebelles touaregs et le gouvernement du Mali se sont cependant fortement dégradées. À tel point qu’en décembre 2022, la CMA ainsi que la quasi-totalité des groupes armés signataires, ont annoncé suspendre sa participation à la mise en œuvre de l’accord d’Alger.
Ils reprochent “l’absence de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali » et « l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts et de déplacés » dans les régions de Ménaka, Gao et de Tombouctou.
Début avril, l’ex-rébellion touareg du nord du Mali a même déclaré qu’il n’y avait « aucun moyen de construire un avenir commun » avec Bamako. La CMA reproche également à la junte d’avoir fait approuver au mois de juin une nouvelle Constitution compromettant l’accord d’Alger.
« Il est regrettable d’avouer après 7 ans » que l’accord de paix « pâtit incontestablement du manque évident d’engagements efficients (des) parties capitales pour sa mise en œuvre, à savoir les gouvernements successifs du Mali, la médiation (algérienne) et la communauté internationale garante de son application intégrale« , explique la CMA dans un communiqué publié le 9 décembre 2022.
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L’Algérie, présente depuis la signature de l’accord, s’est exprimé dernièrement par la voix du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Le 31 juillet 2022, ils appelaient les militaires au pouvoir au Mali à appliquer l’accord d’Alger et à retourner à la légalité « dans les meilleurs délais« , en allant vers des élections.
La CMA impute aussi à l’armée malienne et au groupe paramilitaire russe Wagner une attaque dans laquelle deux de ses hommes ont été tués début août. Selon Attaye Ag Mohamed, cette attaque était une “provocation de trop.” Le départ de l’ex-rébellion touareg de Bamako représente ainsi une nouvelle étape dans la dégradation entre les deux camps.