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Le président mauritanien appelle les pays d'Afrique de l'Ouest à s'allier contre le jihadisme

Source : L’Orient – Le Jour (Liban) Mohamed Ould Ghazouani, président de la République islamique de Mauritanie, pose pour un portrait lors de sa campagne politique à Atar, le 21 juin 2024. Photo Michele Cattani / AFP

Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a appelé dans un entretien avec l’AFP les pays d’Afrique de l’Ouest à s’allier à nouveau face à l’expansion du jihadisme, après la scission de trois pays sahéliens avec les organisations régionales.

« La région doit dégager une volonté politique commune pour pouvoir lutter contre l’insécurité », a déclaré vendredi soir M. Ghazouani en campagne pour un second mandat à Atar, à environ 450 km au nord-est de Nouakchott. « Je ne suis pas de ceux qui pensent aujourd’hui que des pays peuvent faire face individuellement à une menace comme le terrorisme ».

M. Ghazouani fait le constat que « la situation sécuritaire dans la sous-région n’est pas du tout bonne », et même qu’elle « empire » ces dernières années, qui ont vu des militaires prendre le pouvoir par la force au Mali au Burkina Faso et au Niger avec la promesse de consacrer tous leurs efforts à la sécurisation de leurs pays durement éprouvés par la violence.

« On a besoin de coaliser. On a besoin de faire des regroupements », a prêché M. Ghazouani, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine.

Il a plaidé pour un éventuel substitut à l’alliance du G5 Sahel, créée en 2014 par la Mauritanie, le Burkina, le Mali, le Niger et le Tchad avec l’appui de partenaires occidentaux pour faire face au jihadisme et aux défis de développement de la sous-région, et dotée d’une force conjointe à l’action restée limitée. Les juntes du Mali, du Burkina et du Niger ont décidé en 2022 et 2023 de se retirer du G5 Sahel, instrumentalisé selon elles par la France.

« Si le G5 Sahel n’est pas le bon, il faut trouver un autre +G quelque chose+ », a déclaré M. Ghazouani.

Offre de discussion

Les régimes militaires malien, burkinabè et nigérien ont rompu militairement et politiquement avec l’ancienne puissance coloniale française, et se sont tournés vers la Russie. Ils ont quitté la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, la disant elle aussi manipulée par Paris, et ont créé l’Alliance des Etats du Sahel (AES).

Interrogé sur l’éventualité que l’AES porte une nouvelle forme de coopération contre l’insécurité, M. Ghazouani a dit qu’il pensait d’abord « à une rencontre, à une discussion », avant une réflexion pour « trouver le format qui nous convient le mieux ».

Le Sahel est plongé dans la tourmente sécuritaire, politique et humanitaire depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et islamiste dans le nord du Mali en 2012.

Les violences ont gagné le Burkina Faso et le Niger voisins. Imputables aux groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique et à d’autres groupes armés, aux milices d’autodéfense, aux trafiquants et même aux armées régulières, elles ont fait des milliers de morts civils et combattants et des centaines de milliers de déplacés.

La Mauritanie, vaste pays désertique d’environ 4,5 millions d’habitants à la charnière entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, a été touchée par l’expansion des groupes islamistes d’Algérie au début des années 2000, mais n’a plus connu d’attaque sur son sol depuis 2011. Elle reste impactée dans les zones frontalières par les retombées du conflit au Mali, sources de crispations ponctuelles. Elle partage plus de 2.000 km de frontière avec le Mali.

Non-ingérence

M. Ghazouani a réfuté le mot « d’exception » mauritanienne qui signifierait selon lui que son pays se trouve en dehors du théâtre d’opérations jihadistes. Il explique la stabilité en Mauritanie par une prise de conscience précoce de la menace et « énormément d’efforts » consentis malgré les autres urgences, d’éducation ou de santé par exemple.

Cette stabilité est volontiers portée au crédit de M. Ghazouani, 67 ans, en tant que président et auparavant en coaction avec son prédécesseur aujourd’hui emprisonné Mohamed Ould Abdel Aziz, sous lequel cet officier de formation fut chef d’état-major, directeur de la sûreté nationale et ministre de la Défense.

Après une succession de coups d’Etat et des périodes de régime militaire, son élection en 2019 a marqué la première transition entre deux présidents élus. Il est le grand favori de la présidentielle du 29 juin.

M. Ghazouani a dit à l’AFP refuser de s’immiscer dans les affaires intérieures des pays sahéliens où les militaires n’ont élaboré aucun calendrier défini  de rétrocession du pouvoir aux civils. « Nous respectons leur souveraineté dans leurs décisions. Nous souhaitons que ces  pays aillent le plus rapidement vers des élections », a-t-il dit.

Source : L’Orient – Le Jour (Liban)

By Albert C. Diop

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