
Les visites des représentants du Fmi à Dakar se suivent et se ressemblent. Tous attendent du gouvernement qu’il leur clarifie le processus par lequel l’ancien régime a pu tromper tous les bailleurs pour trafiquer les chiffres des finances publiques et injecter de la dette cachée dans le circuit monétaire. Sans ces réponses, le gouvernement assumera seul les mesures qu’il voudrait appliquer pour sortir le pays de la crise provoquée par ces «révélations».
Le Fonds monétaire international (Fmi), organisation très longtemps décriée par le nouveau pouvoir politique du Sénégal, ne cesse de rythmer la vie politique, économique et sociale de ce pays. Il n’y a pas longtemps, le passage à Dakar de Edward Gemayel, responsable du Sénégal auprès du Fonds à Washington, a été fortement médiatisé, au point qu’il soit invité par un média audiovisuel de Dakar, chose assez inhabituelle.
Hélas, dans le contexte où le nouveau pouvoir a tant besoin de liquidités, les services de Cheikh Diba n’ont pu obtenir que l’examen du dossier du Sénégal au mois de juin, après son passage devant le Conseil d’administration de l’institution. Et surtout, après avoir mis l’accent sur la dette cachée que les autorités sénégalaises ont déclaré avoir mise à jour, le représentant du Fmi a déclaré avoir pris note des déclarations des dirigeants du pays, en attendant plus d’explications sur la question.
Hier, pour mieux enfoncer le clou, si cela est encore possible, le «patron» de Gemayel, M. Abebe Aemro Selassie, directeur du Département Afrique, a publié un communiqué à la suite de l’audience que lui ont accordée les dirigeants sénégalais. Il a notamment dit : «Le Président Faye et moi-même avons eu des discussions constructives sur la situation économique du Sénégal et sur les mesures prises par le gouvernement pour remédier à la situation des fausses déclarations.»
«Nous avons discuté des mesures prioritaires nécessaires pour surmonter les principaux défis économiques auxquels le pays est confronté. A cet égard, j’ai appuyé que le Fmi partageait les priorités du Président, à savoir rétablir la transparence budgétaire, renforcer la redevabilité et placer les finances publiques sur une trajectoire durable.»
En langage moins ésotérique, le Fmi fait comprendre au gouvernement qu’il attend toujours les preuves de ses assertions. Pour les membres du Fonds, le Sénégal a fait des «découvertes» importantes sur, entre autres, des fraudes portant sur des «dettes cachées». Le Fmi s’en félicite, mais attend de comprendre comment cela a pu s’opérer. Il attend donc des autorités qu’elles lui disent d’où viennent ces montants, par quelles opérations ils ont pu être camouflés, et à quoi ils ont pu servir, si l’on sait que l’hypothèse du détournement des fonds a été écartée depuis la visite de Gemayel. Tant que les interrogations du Fmi ne trouveront pas de réponses plausibles, l’institution n’entend pas s’engager dans un programme quelconque de redressement, et laisse l’Etat lui proposer des mesures à prendre, et surtout leur calendrier de mise en œuvre.
Pour la viabilité de ce partenariat crucial pour les deux parties, ainsi que la poursuite de leur coopération, les réunions du Printemps qui commencent à la fin du mois à Washington risquent d’être assez décisives. Cheikh Diba aura intérêt à ne pas s’y rendre les mains vides.
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