Diplomatie APA-Dakar (Sénégal)

Un an après sa nomination, Yassine Fall, ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères du Sénégal, dévoile les grandes lignes de la nouvelle diplomatie sénégalaise sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye. Dans un entretien avec Russia Today RT, elle détaille une stratégie axée sur la souveraineté, la coopération régionale et la diversification des partenariats, tout en assumant un repositionnement affirmé sur la scène internationale.
La ministre sénégalaise de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Yassine Fall, a dressé un bilan de sa première année à la tête de la diplomatie sénégalaise en détaillant les nouvelles orientations fixées par le président Bassirou Diomaye Faye, fondées sur « le souverainisme, la justice sociale et la prospérité ».
« Ce sont des réformes importantes inspirées des engagements que nous avons pris auprès du peuple sénégalais », a-t-elle déclaré. Sa nomination à la tête d’un ministère rebaptisé pour intégrer l’intégration africaine est, selon elle, « un symbole, un message et un engagement » fort.
Redéploiement africain et diversification des partenaires
La nouvelle diplomatie sénégalaise privilégie les pays africains limitrophes. « Le premier pays visité par le président, ça a été la Mauritanie. Ce n’est pas ce qui se passait avant », rappelle Mme Fall. Des commissions mixtes, comme celle entre le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau, ont été initiées pour renforcer la coopération économique.
La ministre insiste également sur la diversification des partenariats internationaux : « Je suis allée en Russie, au Japon, en Chine, aux États-Unis », soulignant une volonté de sortir des circuits classiques.
Elle met aussi en avant la volonté de professionnaliser le corps diplomatique, renforcer les représentations consulaires à l’heure où les flux migratoires augmentent, et affirmer le Sénégal sur la scène multilatérale.
« Nous avons condamné ce qui se passe à Gaza et nous continuons de le faire », a-t-elle ajouté.
Partenariat renforcé avec la Russie
Revenant sur sa récente visite à Moscou, elle a salué des échanges « très riches » avec Sergueï Lavrov, son homologue russe. Les discussions ont porté sur l’éducation, l’énergie, le commerce et la coopération technique.
« Nous avons pu obtenir la possibilité d’importer directement du blé, des hydrocarbures et de l’engrais depuis la Russie », a-t-elle précisé. Une relance de la commission intergouvernementale entre les deux pays est en préparation. Une visite du président sénégalais en Russie est envisagée « en 2025 ou 2026 ».
Souveraineté sécuritaire et départ des troupes françaises
À propos du départ des forces françaises du territoire sénégalais, Mme Fall est catégorique : « Le Sénégal est un pays souverain […] Il est temps que le Sénégal décide qu’il n’a plus besoin de troupes étrangères. » Elle évoque un processus en cours avec la libération de plusieurs emprises militaires.
Évoquant les événements de 2024, la ministre a souligné l’importance de ne pas oublier « les 80 et quelques victimes » des violences politiques. « Nous voulons réconcilier le peuple sénégalais avec la justice », a-t-elle affirmé, dénonçant son instrumentalisation passée.
Sécurité au Sahel et ambition multilatérale
Face à la crise au Sahel, jugée « très virulente», elle prône la coopération régionale. Le Sénégal agit au niveau bilatéral et sous-régional pour sécuriser les frontières et partager les formations. Elle a rappelé la contribution sénégalaise au maintien de la paix en Afrique et au-delà.
La ministre a renouvelé l’appel du Sénégal à une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU : « Nous demandons quatre sièges pour l’Afrique, deux avec droit de veto. » Elle a également exprimé l’intérêt du Sénégal pour les BRICS, saluant « une alternative pour les pays du Sud ».
Ancienne économiste ayant travaillé 13 ans à l’ONU à New York, Yassine Fall affiche une volonté claire : renforcer l’intégration régionale ; diversifier les partenariats, notamment avec le Brésil et Cuba ; repositionner l’Afrique dans les institutions multilatérales ; dénoncer l’injustice du système financier mondial et des agences de notation ; établir des ponts avec la diaspora africaine ; promouvoir la coopération technologique, notamment avec la Russie.
« La diplomatie sénégalaise est désormais une diplomatie de rupture, enracinée dans les priorités africaines et résolument tournée vers un monde multipolaire », a conclu Mme Fall.
AC/Sf/APA